Voilà, j'en sors à l'instant. Il y a 10 ans, je découvrais dans le "Résurrection" un Soda qui n'évoluait plus dans le même monde. L'idée de le faire passer dans un monde post-11 septembre me semblait judicieux. Comment New York évolue, comment sa criminalité se modifie... C'est quoi le quotidien d'un lieutenant lambda à la personnalité si particulière comme Soda dans un monde post 2001... J'y ai cru quelques planches avant de devoir tremper dans des machinations de haut niveau et des rebondissements scénaristiques qui ne m'ont fait que pousser des soupirs de dépit à la lecture.
Pronzini qui devenait tueur à gages pour les agences secrètes du gouvernement, non mais, non, juste non. On avait enterré le personnage de Pronzini en même temps qu'un des piliers de l'existence de cette série. Pourquoi pas mais au format "en fait, c'était lui le tueur", bon, franchement, ça reste sur l'estomac.
Ben oui, Soda, ce n'est pas le gars qui se retrouve à faire tomber le masque d'une machination étatique. Non pas que rien ne puisse justifier la paranoïa, on a entretemps suivi les affaires de la NSA, on sait que ça peut exister à une certaine échelle et que oui, il y a des machinations d'envergure. Mais je n'avais juste pas envie de voir Soda rentrer dans ces histoires à la sauce suspicieuse. Mon kif, c'étaient les deux personnages principaux, Soda, le flic taciturne et son secret de vie et New York, la ville qui ne se couche jamais et dont chaque plan de la série avait le don de me faire me balader dans la ville sans même devoir me farcir le vol transatlantique. Je n'avais pas besoin qu'on y ajoute un troisième pilier, celui des complots d'état et des effaceurs que l'on envoie tenter de supprimer Mary pour que les secrets soient bien gardés.
10 ans sont passés. Entretemps, un hors série "Le pasteur sanglant" m'a fait un bien fou, en repartant sur les bases de la série, sur l'histoire des flics à New York et non sur celles des machinations américaines et des complots d'envergure....
Ce mois ci sort la suite de Résurrection et ça s'appelle Révélations. Je reprend la lecture du premier pour voir si les dix ans qui séparent les deux tomes ne m'avaient pas permis de comprendre un peu mieux la recherche de "la vérité". Mais non, je clos après nouvelle relecture le premier tome, Résurrection, avec le même sentiment de faire avant tout face aux angoisses du scénariste.
Le mot qui ouvre le nouvel épisode est bienvenu. En quelques lignes, on y apprend que les héritiers de feu Tome et Dan Verlinden ont fait de leur mieux pour terminer cette histoire que Tome n'a jamais pu clore de son vivant. Et je repense à tout ce travail d'une vie sur les précédents Soda, à tout le plaisir que les histoires bien ficelées ont procuré à la lecture. Merci Tome, pour cela, grand merci!
Mais voilà, les notes que Tome avait laissées ne permettaient de toute façon pas de continuer cette histoire autrement que dans la même veine que l'épisode de départ.
Et donc, on replonge dans cette histoire de grand complot, de grande campagne de surveillance par drones toujours présents sauf quand il faut être au bon endroit au bon moment (les drones sont apparemment en congés quand Soda se paie une virée correctionnelle sur le cimetière de bateaux). De contre espionnage par Bab's et son ordinateur personnel et de panique des grands pontes du complot quand la situation leur échappe, au point d'en oublier 15 ans de discrétion et de foncer dans la ville avec un gros SUV finir le boulot. Heureusement, il y a un androïde qui a été développé pour se cacher dans le placard de la nouvelle boss de la Police de New York, fruit des milliards de développement du budget caché de l'armée pour... je sais pas trop, pour tabasser qui s'en prendrait à la boss visiblement.
J'ai un respect infini pour Tome et je ne doute pas que ceux qui ont pris le relais ont essayé de suivre ces directives au mieux. Mais en tant que lecteur et en tant qu'amateur assidu de Soda depuis plus de 25 ans et le premier épisode qu'on m'a offert à Noël 1996, je tombe pour la première fois sur des épisodes qui me semblent... je sais pas comment dire. Foutraques, bancals, indigestes. Avant même de verser dans le conspirationnisme un peu bête et méchant. Je ressens la même chose que lorsque justement, un de mes collègues un peu conspi vient m'expliquer que les chemtrails c'est une manipulation mondiale ou un truc dans le genre. J'ai rien contre prendre l'idée comme plausible mais c'est juste qu'en y réfléchissant quelques secondes, on est quand même pas loin de scénarios qu'on se faisait quand on était en cours d'école. ça envoie du lourd quand on le dit mais faut pas gratter beaucoup pour trouver ça un peu creux quand même.
Si c'était nécessaire de pousser plus loin la porte du sensationnalisme, on se débarrasse de quelques personnages piliers de la série. Histoire de de ne pas trop donner l'envie à quelqu'un de reprendre le flambeau, Tome désormais disparu? Je ne sais pas.
Tome avait bâti un univers, avec Gazzotti ou Warnant à l'époque. Un vrai personnage de fiction qui a une histoire, un caractère, un truc.
Peut être qu'il faut en rester là, et laisser cette belle série en l'état, patrimoine de bande dessinée qui a de la gueule. Peut être qu'on pourra continuer à l'honorer comme Gazzoti et Boquet l'ont récemment fait avec brio dans leur "Pasteur sanglant".
Je n'ai pas la réponse à la question, tout comme je ne sais pas si cette fin de série à la sauce Tome qui raconte sa vision des complots était vraiment nécessaire. Le fait est qu'elle existe et qu'elle témoigne de l'évolution des mentalités (ou de celles d'une partie de la population qui n'a plus confiance en l'état et ça se comprend aussi) et c'est déjà pas mal.
Mais en ce qui me concerne, en tant que lecteur, je garde ces deux épisodes (et j'y ajoute Apocalypse qui date un peu plus mais qui avait déjà amorcé ce virage) dans la case des sorties de virage.