L'entrée en matière de Revoir Comanche est sans aucun doute à considérer comme un chef-d'œuvre en soi, ou du moins comme sacrément exceptionnelle. C'est peut-être la première fois que j'ai pu ressentir telle impression en ouvrant une BD, celle d'être transporté dans une salle de cinéma et planté dans un décor visuellement saisissant. J'en ai même sorti le casque pour écouter l'album accompagnant la BD, composé et interprété par l'auteur Romain Renard, histoire de me plonger encore plus dans l'ambiance ! Et franchement, c'était vraiment cool comme sensation !
Alors, pourquoi une telle immersion ? Simple : les décors sont magnifiques, et les plans si cinématographiques qu'on croirait regarder des photos de films. C’est ici une technique au fusain numérique, que Romain Renaud a développé après avoir travaillé sur l’adaptation animée de sa propre bande dessinée Melvile. Dans Melvile, il utilisait du fusain traditionnel, qu’il a ensuite numérisé pour l’adaptation en film (prévu pour être terminé d’ici deux ans). Cette expérience avec l'animation a d'ailleurs profondément modifié sa manière d’aborder la narration et l’écriture.
Cette évolution, l'auteur Belge l'applique avec brio dans Revoir Comanche, un album qui rend hommage à la série Comanche, créée par Greg (scénario) et Hermann (dessin). La série suivait les aventures de Comanche, une propriétaire de ranch forte et indépendante dans le Far West américain, accompagnée du pistolero Red Dust. Publiée pour la première fois dans le Journal de Tintin en décembre 1969, puis éditée en albums par Le Lombard à partir de 1972. Je suppose que ceux qui ont déjà lu la série originale ont pu trouver une dimension supplémentaire en lisant Revoir Comanche. Pas de souci pour les autres : je n'ai, de mon côté, ressenti aucun manque de contexte, l'histoire se suivant aisément, même sans avoir les références tout de suite.
Et cette histoire alors ? On est dans du classique et efficace, plaisant à suivre, avec un rythme qui m'a vraiment plu: posé, mais haletant. Par exemple, il y a plusieurs pauses "décors" assez contemplatives qui ne m'ont jamais lassé ou ennuyé, au contraire. Cela dit, il est temps de relever le premier défaut de ce livre : la modélisation des personnages. L'écart entre la qualité des décors et celle des personnages est assez marqué, au point que cela saute aux yeux. Impossible alors de ne pas comparer avec les traits somptueux d'un Larcenet dans La Route, où personnages et toile de fond fusionnaient parfaitement. Ici, on a l'impression que les persos sont posés sur les décors, et cette différence de qualité fait un peu tâche. Mais rien d'affolant non plus, c'est loin d'être rédhibitoire !
C'était le premier défaut et je tairai finalement le second pour ne pas trop en dévoiler. Pas de souci, ça reste assez mineur et ça n'entache qu'à peine le plaisir global ! Je préfère plutôt m'arrêter sur cette impression du début de livre qui m'a quasiment scotché de plaisir, un sacré tour de force en soi. Et du coup, je suis bien content d'avoir les 3 tomes de Melvile qui attendent tranquillement à la maison, ne reste plus qu'à les découvrir !