Cet ouvrage, publié en 2004, rassemble les albums Rhââ Lovely (3 tomes, 1976 -1978) et Rhââ GnaGna (2 tomes, 1979-1980).
On l'a dit maintes fois : Gotlib étouffait dans sa relation avec Goscinny et avait envie d'arrêter de se censurer. Ces albums sont un pied de nez aux bandes-dessinées un peu trop gnangnans de l'époque. C'est même, à de nombreuses reprises, de la provocation pure et gratuite.
« Rhââ Lovely », le titre des trois premiers tomes, est un cri de jouissance répété à de nombreuses reprises. La métaphore s'applique à la lecture de cette intégrale : on se soumet au voyeurisme de choses immorales, immondes ou brutales et on en tire (quelque fois) un plaisir honteux.
Il faut avouer que, si le trait est franc et les dessins (en noir en blanc) sont très bien exécutés, la qualité des scénarios est plutôt faible. L'anecdote et la divagation totale servent souvent de prétexte à l'histoire : une infime partie des cinq tomes restera dans votre esprit.
Les histoires sont souvent trash. Ça parle de sexe déviant (inceste, zoophilie, pédophilie...), de scatologie. Le tout peut être assez dérangeant.
Il y a quelques rares moments où vous sentirez que Gotlib vous parle intelligemment. Gotlib aime l'absurdité et les jeux de mots, mais on voit venir ces derniers des kilomètres à la ronde. Il y a des planches très réussies sur le processus de création et des blagues sur la bande-dessinée (dans une mise en abîme toujours bien dirigée, avec une auto-dérision franchement plaisante). Il y a beaucoup de références culturelles (musique, télévision, cinéma, bande-dessinée) qui pourront plaire (ou irriter). Mais règle générale, on est loin des Dingodossiers et Rubrique-à-brac, c'est de l'humour gras et visqueux.
Si vous choisissez de vous lancer, laissez votre puritanisme de côté, retombez en adolescence (visez le début de l'adolescence) et lisez ces planches sans vous presser. Vous aurez quelques éclats de rire inattendus. Et quelques histoires vous émouvront aussi.
Ce sont les histoires plus sérieuses qui m'ont plû, à savoir « L'amour en viager » (tome 3 de Rhââ Lovely) et « Veillée des chaumières » (tome 2 de Rhââ GnaGna). La première dépeint deux amoureux qui décident d'attendre la mort de leur ami malade avant de s'autoriser leur romance, la seconde, c'est un petit hommage tout en douceur à la maman de Gotlib.
Tout ce qui se moquait, de près ou de loin, de la tourmente de l'artiste créateur m'a aussi bien fait rire, surtout « Wolfang Amedeus Quincampoix » (tome 2 de Rhââ Lovely), le supposé créateur du papier toilette.
Il y aussi SuperDupont qui amuse dans « Kung-fu glacial » (tome 2 de Rhââ GnaGna), où on assiste à un combat grotesques plein de répétitions et de surenchères. Je sais que plusieurs ont pleuré de rire en parcourant « Le joli matin tout plein de lumière » (tome 1 de Rhââ Lovely), où un homme vulgaire (en apparence distingué) se prépare pour aller au boulot -- mais celui-là me laisse de marbre.
Je parle du meilleur, mais il y a aussi le pire : des contes de fées pornographiques, des pastiches d'émission télévisées ennuyants, de la zoophilie avec des chèvres et des vaches, des blagues répétitives et irritantes…
Et comme ce pire prend beaucoup, beaucoup de place, je ne peux pas donner une meilleure note, malgré toute l'admiration que j'ai pour Gotlib.