Riku-Do
7.3
Riku-Do

Manga de Matsubara Toshimitsu (2014)

Récit audacieux, trempé dans l’originalité même et parcimonieux dans l’énoncé de ce drame social latent, Riku-do est un manga qui ne traite pas de la subtilité, se contentant pudiquement de l’incarner. L’entame, posée et réfléchie, nous présente un enfant boxant son père pendu pour s’entraîner comme avec un sac de sable. Portrait réaliste s’il en est, touchant de par la précision et la pertinence de son propos. L’enfant va vivre chez sa mère, sous la coupe d’un héroïnomane azimuté à qui elle s’empressera d’adresser une fellation opportune devant l’enfant qu’elle aura ramené chez elle, environ trente secondes après avoir franchi la porte d’entrée. L’enfant – qui sera notre personnage principal – sera bien entendu battu impitoyablement par l’aimable consommateur de stupéfiant qui, cependant périra sous les coups d’un simple enfant. Riku, en effet, a été formé à la boxe par des Yakuzas, justifiant amplement qu’il soit en mesure de venir à bout d’un homme adulte. La trame, introduite en ces termes, pave la voie dorée nous menant vers…


Bon… ça va encore être un de ceux-là, mais en pire, apparemment. Le temps de me lamenter dramatiquement d’une voix déchirée, un poing rageur dressé vers la pleine lune, et je suis à vous.


Attention et, cela doit être précisé dès à présent ce manga n’est pas « Baki », preuve en est, le protagoniste ne s’appelle pas Baki, même si l’un des personnages principaux se prénomme TSUbaki. Comment ? « Sous-Baki » ? Qui a dit ça ? Qui s’est permis ? Sûrement ma conscience et mon discernement… ma vie serait tellement plus simple sans eux. Simple comme celle d’un animal muet dépourvu de jugeote et d’amour-propre pour se faner de pareilles copies en croyant trouver là matière à se divertir sainement.


Les mangas de boxe et d’arts-martiaux en général se ressemblent plus encore que les mangas sportifs au sens large, ceux-là, à de rares exceptions près, n’étant plus guère que les photocopies usées de ce qui les a précédés. Ashita no Joe allait au-delà des coups, nous heurtant au cœur sans y mettre les gants, Hajime no Ippo tient ses mérites du fait de sa constance et d’une trame qui ne se sera pas toujours improvisée ; ne parlons pas de Shamo dont la violence et l’anatomie des combattants n’a, je crois, su être aussi magnifié ailleurs. Et puis… il y a le reste. Tout le reste. Les restes, même, ceux dont on ne vient pas à bout tant ils sont infects, mais que quelqu’un termine malgré tout.


Tout y passe, les Yakuzas impitoyables mais avec un cœur d’or – On est apparemment loin de chez Ushijima – les répliques dignes d’un nanar dans la veine d’un grandiloquent « Il faut d’abord trouver tes poings », un protagoniste doué comme saurait l’être un homme sur un milliard au point que la narration nous le fait presque rayonner comme l’élu d’une prophétie si ce n’est de plusieurs, des antagonistes calibrés sur trois variables de personnalité ; des larmes versées en vain par mièvrerie et des corps ridiculement musclés qui ne ressemblent en rien à ceux d’athlètes véritables cela, au point d’en être une insulte au sport ici chroniqué.


En somme, les chorégraphies de combat, sans être foncièrement mémorables, ni même à moitié, restent valables pour la plupart. Mais y a-t-il un mérite à cela lorsque les grands vous ont déjà pavé la voie ? Que ce soit lu et entendu ; vous ne trouverez rien ici qui soit à la mesure d’un Hajime no Ippo. La mise en scène y est chaque fois exagérément dramatique, ôtant de ces combats qu’on nous présente jusqu’à la moindre dose de crédibilité.


Certains dessins, dans ce qui tient à la musculature comme dans les visages, paraissent inspirés du trait Takayuki Yamaguchi. Matsubara Toshimitsu s’en inspire alors comme d’un macaque cherchant à singer un homme, il n’empêche que la trace y est incrustée en façade. Mieux vaut un style original rudimentaire qui n’appartienne qu’à soi qu’une mauvaise copie d’un style grandiose. De cet adage bricolé sur le tas, on s’en persuade d’autant mieux en lisant Riku-do.


L’œuvre peut se targuer d’un paneling correct justifiant qu’on puisse ne pas le jeter désinvoltement sans y attarder un regard à peu près intéressé. Et ce sera tout pour le déballage des qualités de l’œuvre ; ça aura fait plus d'une ligne.


La mort de Kamishiro ? Outre qu’elle était attendue – la sienne ou celle d’un autre – du fait que cela est la ritournelle trop habituelle de ce genre de faux drames grotesques, ne nous inspire rien. L’importance d’un personnage dans le cœur d’un lecture ne se mesure exactement qu’à l’aune de sa disparition et du déchirement qui en résulte. La seule déchirure, je vous le dis, ce n’est pas au cœur que vous la sentirez.

Tous les personnages de Riku-Do sont des archétypes ambulant dont la seule finalité consiste à se mouvoir pour porter les coups. Ils sont des automates qui s’ignorent et que le lecteur se fera un plaisir d’ignorer lui aussi.


Sans enjeu, sans pudeur sans panache et donc, sans intérêt, Riku-Do parvient à être ce qu’on attend de lui : un Baki moins folichon et plus prétentieux dans ses élans dramatiques abusifs. Si j’ai accordé un 3/10 au premier, je lui dois au moins, à titre de respect, de ne pas élever la présente œuvre à son rang. Même si, au fond, la différence de l’une à l’autre est si ténue qu’il faut regarder le titre de ce qu’on lit pour être sûr de ne pas avoir confondu avec l’autre.

Josselin-B
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il y a 2 jours

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Josselin Bigaut

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