Norigami et Rinne sont deux séries qui se ressemblent beaucoup, et leur modèle est Bleach. La référence à Bleach est assumée. Le héros shinigami est roux comme Ishigo, sauf qu'il est d'office le shinigami, c'est la fille qui joue le rôle de l'humaine avec un relatif pouvoir. Rumiko Takahsahi a infléchi les données de départ de Bleach du côté de son oeuvre précédente Inuyasha. Elle reprend la distribution des deux héros dans Inuyasha et l'applique à Bleach tout simplement. Rumiko Takahashi reprend également à Bleach les gags sur une société de l'au-delà qui s'intéresse aux progrès technologiques et qui a une vie commerciale où les gadgets des shinigamis ont un coût.
En remodelant les données de départ en fonction des deux héros principaux d'Inuyasha, Rumiko s'approprie sans peine l'imaginaire de Bleach et surtout parvient à développer des histoires bien senties qui lui sont propres.
Ceci dit, le manga n'a pas l'air de bien marcher, surtout en France. Pour quelles raisons ? D'abord, la série animée a des couleurs déconcertantes et les gags sur le prix des objets de shinigamis sont trop bruts de décoffrage. Le manga est plus souple à ce sujet-là. Mais, ne parlons que du manga. Les histoires sont très bien, il y a une vraie construction de l'imaginaire dans les chapitres de mise en place, mais on remarque aussi un tic étrange peu satisfaisant. Trop souvent, Rumiki introduit une remarque mécanique sur le fait que les autres personnages ne peuvent pas voir les esprits ou le shinigami en action. Les gens connaissent Bleach, ils peuvent deviner, puis un élément graphique devrait nous épargner ce rappel incessant toujours le même, surtout que des lecteurs du tome 8 de Rinne ou du chapitre 53 ou 65 dans la revue sont majoritairement des gens qui lisent le manga depuis le début. Si quelqu'un découvre un chapitre tardif par hasard et qu'il est curieux de l'histoire, il fera le travail lui-même en repartant du début. Pourquoi écrire mille fois "les autres ne peuvent pas le voir, ne peuvent pas voir les esprits". Ce défaut peut faire énormément de tort au manga.
Rumiko Takahashi a toujours proposé les mêmes traits de visage à ses personnages, il y avait une relative différenciation dans le cas des séries initiales : Urusei Yatsura, Maison Ikkoku et Ranma 1/2, mais l'ensemble des histoires courtes, la série Inuyasha, la série Mermaid Forest et la série One Pound Gospel nous ont habitués à la reconduction du profil de Kyoko Otonashi (Juliette) dans plusieurs histoires courtes et dans Mermaid Forest, avec parfois ou non le profil de Godaï. Ranma garçon et le garçon cochon sont reconduits dans Inuyasha. L'héroïne dans Inuyasha avait le mérite d'une relative originalité, elle avait un corps plus frêle, plus proche d'Akane Tendô ou bien de Lamu, mais les cheveux longs et un corps élancé dans le style de Kyoko (Juliette). Ici, le héro est l'équivalent d'Inuyasha, et partant de Ranma garçon, du boxeur de One Pound Gospel, etc., tandis que la fille est un compromis entre l'héroïne d'Inuyasha, mais avec la natte de Ranma fille, c'est même pratiquement le phyisque de Ranma fille. Du coup, on peut se demander aussi si cela n'entraîne pas progressivement un désintérêt des lecteurs qui veulent du changement, de nouvelles têtes, malgré les qualités indéniables des récits.
Un dernier point, la série Bleach s'est éternisée et a perdu son souffle. D'autres séries ont exploité le motif du shinigami, dont une très proche de la structure de Rinne qui est Norigami. En plus, Rinne et Norigami ne s'éloignent pas tellement des codes de Bleach. On peut se demander s'il n'y a pas un problème de niche saturée. La mangaka Takahashi a sans doute aimé s'inspirer de Bleach, mais on peut penser qu'il n'est pas toujours pertinent de surfer sur la mode, celle-ci peut être condamnée à un goulot d'étranglement.