Ce volume édité par Urban Comics est un peu trompeur dans le sens où il propose deux histoires qui se suivent tout en étant radicalement différentes, dans le fond comme dans le forme. La première, L'épreuve de force, est un court récit dans la veine "polar noir" du Year One de Frank Miller auquel il semble manifestement rendre hommage. L'idée de montrer quel examen sur le terrain Batman pourrait bien concocter pour son jeune prodige fraichement débarqué permet de mieux faire passer la pilule du sidekick obligatoire. Oui, vous l'aurez deviné, je ne suis pas particulièrement friand de ce personnage, créé dès 1940 a des fins purement commerciales, quitte à bousiller la cohérence d'un univers.
Le justicier est trop compétent pour avoir besoin d'un ado à ses côtés, mais il faut reconnaitre que la malice et l'agilité de ce dernier peuvent potentiellement lui rendre service. Mieux encore, on devine la formation d'un successeur dans ce rapport de maitre à disciple qui n'est pourtant que suggérée. Le contexte réaliste à base de mafieux-spaghettis n'est pas des plus originaux mais a le mérite de contribuer à cette ambiance rude et sombre magnifiée par le dessin et la colorisation.
Le récit suivant est plus... problématique. Disons, pour être poli, qu'il ne plaira pas à tout le monde même s'il ne manque pas de qualités. On se retrouve quelques jours/semaines après la fin de L'épreuve de force et le vrai récit Année Un commence. Préparez vos lunettes de soleil parce que ça va briller comme une boule à facettes disco !
Impossible de ne pas tiquer à cause du contraste: Année Un propose un dessin cartoon aussi frais que peu détaillé accompagné d'une colorisation parfois franchement aux fraises. Et à la banane. Et à l'orange. A tout, en fait. Sans autre raison que de donner un cachet pop à certaines scènes visuellement un peu vides, le coloriste se la joue psychédélique avant de redevenir plus sage dans d'autres séquences. Heureusement.
Ce déséquilibre, un peu écœurant, est cependant assez cohérent avec l'adolescence de son personnage principal, Dick Grayson, le fils qui redonne le sourire, voire le rire, à son tuteur Bruce Wayne. Oui, vous ne rêvez pas, Batman est heureux pendant une partie du comics. Rien que pour cette approche psychologique du duo Robin/Chevalier Noir, cette histoire de Scott Beatty et Chuck Dixon n'aura pas été écrite en vain. Ce comics, avant tout destiné au grand public, propose des péripéties variées et en apparence légères mais pas si innocentes que ça (il est entre autres question d'un trafic pédophile...).
Robin: Année Un a un peu de mal à se positionner au niveau de son ton, et c'est ce qui pourra gêner certains lecteurs, moi y compris. A condition de faire preuve d'un peu d'ouverture d'esprit, ce volume d'Urban Comics, dynamique et un peu hors normes, pourra cependant peut-être vous réconcilier avec ce personnage toujours un peu hors contexte, ce Robin enfantin perdu dans le cauchemar d'un adulte.