Avec Rubrique-à-brac, tome 1 (1970), Gotlib révolutionne la bande dessinée humoristique en dynamitant les codes et en nous livrant un joyeux foutoir où l’absurde et le génie font ménage à trois avec le second degré. C’est un tourbillon de gags, de réflexions farfelues, et de dessins qui transforment la banalité du quotidien en un grand théâtre de l’absurde. Un vrai régal, comme un pot-au-feu où chaque ingrédient est une blague qui mijote à feu vif.
Gotlib, avec son style inimitable, nous emmène dans un univers où tout peut devenir un prétexte à la dérision : les sciences naturelles, la grande Histoire, les mythes fondateurs, et même les conventions de la bande dessinée elle-même. Rien ni personne n’échappe à son crayon acéré. À travers ses strips, il démontre qu’un cours de biologie peut être aussi hilarant qu’un sketch de stand-up, surtout quand on y ajoute des petits personnages qui se battent dans les coins de case pour exister.
Visuellement, c’est du Gotlib pur jus. Son trait est d’une précision diabolique, avec des personnages expressifs à souhait et des cases où chaque recoin regorge de détails. Ses fameux "petits mickeys" qui squattent le décor sont devenus emblématiques : ils commentent, perturbent, ou détournent l’action principale, ajoutant une couche supplémentaire d’humour qui invite le lecteur à revenir scruter chaque page avec une loupe.
L’écriture est un feu d’artifice de jeux de mots, de dialogues absurdes et de situations où la logique est priée de prendre des vacances. Gotlib a l’art de transformer une idée simple en un délire complet, souvent en s’adressant directement au lecteur ou en cassant allègrement le quatrième mur. Ce style méta, bien avant que ce soit cool, donne à la série une modernité bluffante.
Les gags sont intemporels et universels, mais aussi parfois délicieusement ancrés dans leur époque, avec des références qui ajoutent une saveur rétro-chic. Que ce soit la parodie de documentaires animaliers ou les détournements de récits mythologiques, chaque strip est une surprise qui fait rire à haute voix. Et quand Gotlib s’en prend aux clichés du genre ou aux absurdités de la vie quotidienne, on se sent un peu coupable d’y voir notre propre reflet.
Le seul "reproche" qu’on pourrait adresser à Rubrique-à-brac, c’est qu’il faut être en forme pour suivre : les gags s’enchaînent à un rythme effréné, et les couches de détails visuels et narratifs peuvent donner le tournis. Mais c’est justement ce chaos contrôlé qui fait le charme de l’œuvre.
En résumé, Rubrique-à-brac, tome 1 est un monument de l’humour en bande dessinée. Gotlib, en véritable alchimiste du gag, transforme tout ce qu’il touche en pépite comique. Entre ses dessins délirants, ses textes savoureux et son goût pour l’absurde, il signe une œuvre à lire, relire, et re-relire pour en savourer toutes les subtilités. Une BD qui éclaire le cerveau et fait travailler les abdos : que demander de plus ?