Saccage
7.2
Saccage

BD franco-belge de Frederik Peeters (2019)

Difficile de trouver les mots pour partager l'expérience extrême que constitue la découverte de "Saccage" de Frederik Peeters. Difficile de dire si l'on a aimé, même de manière "oblique", cette expérience. Difficile de prétendre qu'on a compris quelque chose à cet ouvrage - ne parlons pas de BD, pour le coup, mais il ne s'agit pas non plus d'un livre de "belles images", même si les images ici sont pour la plupart terriblement belles, et terribles, à coup sûr. Difficile de recommander ce livre, à ses amis (qu'ils en deviennent meilleurs...!) ou à ses ennemis (qu'ils en crèvent en un longue agonie cauchemardesque...!).


Difficile de ne pas reconnaître çà et là au moins quelques unes des innombrables références listées par Peeters en conclusion, mais difficile aussi de ne pas voir que "Saccage" broie, engloutit et revomit ses références pour en faire quelque chose de radicalement différent, de radicalement AUTRE. Difficile de ne pas saisir qu'il s'agit ici de notre présent, de notre futur imminent, de ce saccage irréversible d'un monde et d'une humanité que bientôt on ne pourra plus qualifier ni de monde, ni d'humanité. Difficile d'admettre que cette violence, qui déferle ici dans des certaines illustrations avec une puissance tellurique, est déjà la nôtre, au quotidien. Difficile de ne pas voir que "Saccage" ne diffère en rien de ce que la Télé ou Internet nous montrent sur l'état des choses. Difficile de ne pas reconnaître ce que la VISION d'un artiste du calibre de Peeters ajoute à ce chaos répugnant : quelque chose de vraiment sublime, qui fait peur, vraiment peur. Et honte, vraiment honte.


Difficile d'ignorer que nos tentatives presque désespérées de trouver un sens à "Saccage" ont été infécondes. Difficile de nier et que nous avons ressenti une terrible frustration à avoir perdu ainsi l'usage des mots (réconfortants) et de la logique la plus élémentaire (rassurante). Difficile de ne pas trouver "Saccage" terrible. Insupportable. Irregardable par instants. Difficile de ne pas admettre que, comme un poison violent, nous n'y avons survécu qu'en l'absorbant à petite dose, au fil des jours.


Difficile d'écrire ici que nous nous sommes reconnus dans cet étranger jaune de peau, et que nous avons détesté ça.


[Critique écrite en 2019]

EricDebarnot
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleures BD de 2019

Créée

le 18 août 2019

Critique lue 486 fois

17 j'aime

8 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 486 fois

17
8

D'autres avis sur Saccage

Saccage
Geoffray_Eddy
10

Boulversage

Style inimité et maitrisé aux inspirations riches et éprouvées. Onirique, magnifié, au concentré d’envie de dessiné aussitôt ces panoramiques contemplés. Vision tantôt passéiste,...

le 11 juil. 2019

2 j'aime

Saccage
Meowoem
5

Critique de Saccage par Meowoem

Le dessin avait l'air alléchant et les grandes planches grouillantes de détails promettaient de longs moments de contemplation... Et au final: rien. Je n'ai pas vraiment saisi le propos, pas éprouvé...

le 26 sept. 2019

1 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25