Sailor Moon
6.4
Sailor Moon

Manga de Naoko Takeuchi (1991)

Madame Togashi vous présente…

L’animation japonaise, quand elle adapte, a généralement deux choix : celui de trahir par désinvolture - par grossièreté - ou bien alors de trahir dans une démarche salvatrice. Vous connaissez l’adage, celui qui vous met dans la merde ne le fait pas nécessairement pour vous nuire et celui qui vous en sort ne le fait pas forcément dans votre intérêt. Je touche relativement peu à l’animation japonaise en matière critique ; il s’agirait après tout de ne pas se salir les doigts, mais en quelques occasions, nécessité fait loi.


Quand un studio adapte un manga, il a, apparemment, le pouvoir de transformer l’or en merde ou des miasmes en fibres de platine. Jetez Hunter x Hunter ou un Berserk entre les mains d’animateurs peu scrupuleux, vous aurez l’adaptation de 2011 pour le premier ou bien, celle de 2016 pour le second ; du travail ni fait ni à faire mais devant lequel les hominidés comptant parmi les plus coprophages et fainéants se prosternent tant le bon goût leur fait défaut. La popularité du manga d’origine va en s’accroissant, mais à quel prix ? Celui d’une fanbase plus « ouverte » ; ouverte comme peut l’être une plaie vive désormais en proie aux germes extérieurs venus propager l’infection. Tout ça pour dire que je n’aime pas la basse plèbe qui attend qu’un anime leur tombe tout chaud dans la bouche pour ensuite venir vous dire, la bouche encore pleine d’une merde qu’ils n’ont pas fini de digérer qu’ils « Trop fan du manga, quoi ! ». Voilà une raison pour laquelle je me défie habituellement des adaptations animées. Je crois que cela a même conditionné pour beaucoup ma désaffection pour Jojo's Bizarre Adventure tant tout ce qui gravite à présent autour empuantit l'atmosphère.

Et une raison pour vous parler d’adaptations animées à l’occasion d’une critique de Sailor Moon, est-ce que j’en ai seulement une à vous exhiber ?

Oui. Une seule, et une bonne.


Sailor Moon, comme manga, est une absolue catastrophe. « Oui, mais faut remettre les choses dans le contex... »

Non. Pour un manga publié à cette époque, à savoir le début des années 1990, c’est déjà en-dessous de tout. Et pourtant, cette colossale erreur picturale et scripturale, c’est sans doute aujourd’hui la norme mère du Shôjo. Pas nécessairement celle qui se sera le plus vendue, mais celle qui aura le plus habilement imprégné l’imaginaire collectif.


Je vous dis « Lycéenne en uniforme avec petite culotte très apparente », vous me répondez ?….

Que…. Quoi ? C’est… c’est ça que ça vous évoque ? Oh non…. Oh seigneur…. Vous m’écœurez… On n’a pas idée d’être aussi dégueulasse. L’Enfer ? Mais ça ne sera jamais assez pour vous… oh…. Quelle horreur… pitié, dites-moi au moins qu’elles sont majeures….


Non ! Vous êtes censés me répondre «Sailor Moon». Car, sans avoir nécessairement donné naissance au genre Magical Girl - depuis maintes fois décliné - c’est clairement Sailor Moon qui a donné le « la » et qui l ‘aura consacré. Sailor Moon…. la série animée.


Vous savez ce que c’est la Toei Animation ? Pas fameux, hein ? Mais est-ce que vous savez ce que c’était durant la décennie 1990 ? C’était rien moins que l’antre de Midas. Y’a pas un projet, en ce temps-là, qui se soit pas transformé en or quand un de leurs animateurs y posait le crayon. Saint Seiya, le manga, était le pendant Shônen de Sailor Moon. Très mal dessiné – au point où les perspectives n’étaient même pas respectées par moments – très mal inspiré et abominablement mis en scène sur les planches… personne n’aurait laissé filer un regard sur un seul de ses tomes en nos contrées… mais il y a eu sa version animée.


Réalisé d’une main de maître, capable d’insuffler une intensité et même une contenance à ce qui était maigre et filandreux, la version animée Saint Seiya a fait d’une souillon une princesse d’un coup de baguette magique. La légende Saint Seiya ? Essayez de m’en parler dans un contexte où son adaptation animée n’aurait jamais été portée sur le moindre écran. Essayez qu’on rigole.

La Toei Animation de cette époque, c’était une usine à chef d’œuvres. Tout Dragon Ball et même ses OAV mirifiques sont sortis de leurs studios durant cette décennie. Quand on sait ce dont ils étaient capables et ce à quoi ils en furent réduits plus récemment, on se figure un peu mieux le cataclysme que représente la chute d’un astre.


Sailor Moon a bénéficié du même traitement princier que Saint Seiya. Aux animateurs, on leur a jeté une belle daube entre les mains. Avec de la minutie et de la suite dans les idées, ils l’ont modelée pour en faire une statue devant laquelle la révérence s’impose à chaque passage. Ils se sont même payés le culot de fignoler le scénario derrière pour le rendre plus digeste ; plus accessible. Résultat ? Un Shojô rose-bonbon qui outrepasse tout ce que permet la caricature – à savoir la tête niaiseuse des protagonistes, les paillettes et autres brillances ridicules et je vous passe les autres mignardises – sera devenu un anime que même un public masculin regardait. Sailor Moon tel qu’on le connaît, c’est certes parti de dame Takeuchi, mais c’est clairement signé Toei Animation. En un sens, l’exacte même remarque peut être adressée au lamentable Cardcaptor Sakura de CLAMP qui, une fois brossé par MadHouse, sera même parvenu à percer mon cœur de diamant.


Mais c’est du manga que je viens vous parler, rien que du manga. Un scénario dont la trame est autrement moins longue que son adaptation animée - il a bien fallu traire la vache à lait comprenez-vous – et dont le ressenti, quand on s’y éprouve, n’a rien à voir avec ce qui fut autrefois porté sur écran.


J’ai fait une overdose de paillettes. Même en noir et blanc, elle nous aura mis des effets graphiques de fleurs et autres radiances qui brillent et scintillent de mille feux au point où on ne peut que vouloir détourner les prunelles pour mieux les préserver. Vous en boufferez de « nyan » mignon et autres « tihihi » sirupeux ; vous y aurez droit jusqu’à en être gavé. Et pour en arriver là, un chapitre suffit. Et il y en a d’autres…. plein d’autres, tous remplis de promesses dont on aimerait qu’elles ne soient pas tenues.


Les bellâtres sont trop beaux et top maniérés, les marâtres sont trop aigres ; tout est de trop dans un manga qui n’est paradoxalement fait que de carences. L’amourette de l’héroïne est évidemment nunuche, car tout, absolument tout, aura été envisagé pour nous rappeler à chaque case qui défile qu’effectivement, nous lisons bien un Shôjo.


Les pouvoirs n’ont évidemment aucun intérêt et les affrontements ne seront en réalité que de longs préliminaires d’ici à ce que Usagi défouraille le tout venant – mais avec amour tihihi ♥ - grâce au dernier Deus Ex Machina pondu par sa créatrice. D’ailleurs, ces pouvoirs, dans leurs attributions, ne seront jamais clairement définis, laissant ainsi place à un vide juridique où s’engouffre tout, à commencer par le n’importe quoi, histoire que tout soit possible, mais que rien ne soit jamais logique. Le Saint Graal s’associera pêle-mêle à une histoire de vie antérieure à dormir debout pour donner lieu à une trame faite de bric et de broc pour donner lieu à un pâté indigeste qu’on s’empressera néanmoins de nous glisser au fond du gosier.


« Mais vous n’êtes pas mortes ?! » et autres surprises de télénovéla viendront parsemer un chemin que l’on finit de parcourir en rampant. Ce qu’on y lit est si féminin que l’organisme sécrète un excès de testostérone pour contrer les effets de la mignardise. C’est bien simple, ma barbe poussait d’un centimètre par minute de lecture.


Les Shôjos, c’est pas pour moi ; j’entends,mais c’est pour personne non plus. Y’a pas de bon goût ; c’est les Feux de l’Amour croisé Harry Potter. Si on se respecte, on passe à côté de ce genre d’œuvres. Car en définitive, il ne se trouvera que des génies de l’animation pour édulcorer un pareil poison au point de lui donner le goût du sucre. Madame Takeuchi a beau être mariée à mon mangaka favori, les liens maritaux ne lui vaudront aucune allégeance : Sailor Moon n’a rien institué de nouveau et a même avili les yeux et l’âme de qui l’a lu ; le respect ne saurait se concevoir dans ces circonstances.

Josselin-B
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le 5 août 2024

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Josselin Bigaut

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