Saiyuki
6.9
Saiyuki

Manga de Kazuya Minekura (1997)

Là, ce que je lis au travers des dessins, ça aurait voulu me crier que ça a été élaboré en 1997, que ça n’aurait pas pu être plus audible qu’en témoignant de ses esquisses comme ce fut présentement fait. Ces dessins au style très lambda pour l’époque, multipliant les visages anguleux et les yeux énormes, sursaturés de trames graphiques sombres ; y’a comme la marque du temps passé sur les pages. Quel dommage pour l’œuvre que je ne sois pas homme à me laisser saisir par la nostalgie, son ère aurait alors pu m’intimer à l’indulgence.


Le fait est que, lorsqu’on n’aime pas ce qui se fait de formaté, quand bien même le format serait plaisant, des dessins sans substance ni identité, non seulement n’attisent aucun appétit de lecture, mais vous dégoûteraient presque de poursuivre le parcours guidé par le récit. Ce qui s’est dessiné ici sera advenu car « ça se faisait ». Outre les éphèbes répandus à raison de millions d’âmes sur les planches, on admettra que le trait féminin de l’auteur n’est pas trop patent. Il faut dire qu’elle n’a aucun style défini

Soyez en effet assurés de ne trouver aucun style propre à Kayuza Minekura qui, de ce que j’ai glané à l’envolée, semble par ailleurs avoir adapté son dessin à chaque époque qu’il traversa un crayon entre les doigts. Ce seul aspect tend à démontrer que l’auteur préfère suivre les tendances par calcul que les imposer par audace. Tout ça traduit une mentalité, et pas une que j’aime.


Quelle idée de commencer une histoire – déjà pas bien fameuse – en l’enrobant d’une narration aussi malhabile et chaotique. Les cases et les répliques se succèdent mal les unes aux autres, l’affaire a davantage l’allure d’un bricolage pressé que d’une entame qui prend le temps de poser judicieusement les éléments qui la détermine. Pour ce qui la détermine, cette œuvre…


Vous la voulez votre trame typée fantasy orientale avec tout plein de Yôkais dessinés sans une once d’inspiration. Tant pis, vous l’aurez quand même. Le groupe de protagonistes qui sévit en ces pages est basiquement un Boy’s Band de cinq minets surpuissants et, avant toute chose… interchangeable. Si vous trouviez les dessins rudimentaires, dites-vous que ceux-ci n’avaient apparemment été conçus en ce sens qu’afin de s’accorder au restant de l’œuvre. Tout cela est de bien mauvaise facture et, une fois lecture soldée, on conviendra que Saiyuki est un Shônen mésestimé et oublié pour de bonnes raisons. D’excellentes, même.


Ces héros mi-humain mi-yôkai, parce que c’est cool, roulent sur le tout venant et vont d’un périple à l’autre pour la seule finalité de s’adonner à un équarrissage aussi malvenu qu’injustifié si ce n’est pour remuer ce beau monde dans les pages qu’on nous sert sans conviction. Le faux gore, la fantaisie, les héros invincibles ; j’avais comme des relents d’Übel Blatt qui me montaient jusqu’aux molaires. Même époque, même manque d’inspiration flagrant ; même résultat et même déception de lecture.

Enfin… « déception » ; c’est à supposer qu’on en ait jamais attendu quelque chose pour commencer. Mais en trois pages de temps, vous aurez fait le deuil de ce que vous lisez ici avant même d’avoir pris le temps de le voir naître. Une fausse-couche ; une autre.


Du drame cosmétique en veux-tu en voilà, le héros dont la femme a donné naissance à un bâtard maléfique engendré par un Yôkai, venu plus tard annoncer à son père qui il est – une sorte de Darth Vader à l’envers – le manga en est truffé de ces artifices venus donner le change. Malgré le drame affecté et le sang trop bêtement versé, Saiyuki est une œuvre tiède qui se cherche sans vouloir se trouver. Je devine que l’auteur devait observer la réaction du lectorat semaine après semaine pour adapter chaque nouveau chapitre en conséquence. Il n’y a aucune ligne directrice claire susceptible d’aller où que ce soit ; rien qu’une relance systématique de l’intrigue par des événements tapageurs et éphémères.


Alors on enchaîne les combats – et donc les déceptions – avec, à chaque fois, les protagonistes venus s’improviser biographes pour blablater un quart d’heure entre deux mandales. Sans jamais rien dire d’intéressant, cela va de soi, chaque syllabe qui nous parvient n’étant employée qu’afin de monter en mayonnaise le drame spécieux du moment.


Pour un univers où les concepts avec des noms pas croyables nous accablent au point qu’on ne suit plus trop, celui-ci est franchement maigre. Sortis de la trame « Yôkais gneugneugneu », il y a un vide que la scénographie cherche à nous cacher derrière des rideaux moches en espérant ainsi habiller la misère. Mais la misère, elle est ici constitutive de ce qu’on lit ; la manœuvre ne fait alors pas illusion bien longtemps.


Je n’ai pas exactement compris en quoi le manga s’inspirait du roman « Pérégrinations vers l’Ouest », que je n’aime pas, au demeurant. Si ce n’est le vague contexte chinois médiéval en tapisserie avec la pléthore de Yôkais, je ne décèle aucune personnalité forte issue du roman. Au mieux, l’aventure qui nous est offerte est la tournée asiatique d’un Boy’s Band tout juste bon à chanter en playback ; et sans cesse pour nous jouer le même tube.


Qui voudra une adaptation manga d’un roman de fantaisie asiatique se tournera plus volontiers vers Arslan et sans se retourner après avoir lu Saiyuki. J’écris cette critique en mai 2024. Demandez-moi, au jour de sa publication, si je me souviens d’une traite page de ce que j’ai pu lire ici ; je gage que ma mémoire, alors, sera aussi carencée que l’a été l’œuvre. Ceci expliquant sans doute cela.

Josselin-B
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Écrit par

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le 22 févr. 2025

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Josselin Bigaut

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