Et si en marge de notre quotidien, alors que nous sommes au travail, ou en vacances, loin de chez nous, notre espace privé, nos appartements, étaient investis, habités à notre insu par des inconnus, experts dans l’art du camouflage. C’est cette société parallèle invisible que nous donne à voir Daisuke Imai dans Sangsues. Déjà traitée au cinéma en 2004 par Kim Ki-duk et son célèbre Locataires, le sujet traite à la fois du thème du mal-logement et de l’inadaptation sociale de cette nouvelle génération d’« évaporés » dont on a tant parlé. Ce n’est toutefois pas cet angle qui est privilégié par le jeune auteur pour cette première œuvre. Car l’univers feutré et tranquille dans lequel s’est installée Yoko, l’héroïne de ce manga, n’est pas aussi tranquille qu’il n’y paraît. C’est un terrain hostile qu’elle va être amenée à explorer, fortement territorialisé, où la compétition est rude, et même sanglante. La poésie tranquille du premier volume cède rapidement la place à une narration plus angoissante. Voilà bien la force de ce manga atypique, au dessin épuré et stylisé : créer la surprise sur un sujet attendu.