Precious Little Life
La vie est d'une simplicité merveilleuse. Le monde est à vous. La liberté est finalement là. Des parents lointains, des amis proches, la ville autour de vous, pleine de promesses. Peut être pas de but, mais de l'énergie, de l'enthousiasme, de l'optimisme. Et du temps. Du temps pour rêver, du temps pour agir, du temps pour ne rien faire, du temps pour faire des choses inutiles qui paraissent si importantes sur le coup. On a besoin de pas grand chose, juste d'air, de rencontres, de passions. De filles rencontrées à un événement d'intérêt commun, dans l'air du soir. Les problèmes semblent tous pouvoir être battu à coup de poings, aucune erreur n'est grave, la gravité viendra plus tard. Enfin, on a l'impression d'exister en harmonie avec les autres, et d'être récompensé d'être soi.
VS The World
Bien sûr, cet état d'esprit n'est pas forcément partagé. Cette ferveur de vivre peut agacer, fatiguer, ou juste ne pas être appropriée au monde extérieur. Certains travaillent dur, certains traversent de mauvaises passes. Les gens mêmes qu'on souhaiterait proches peuvent être plus sérieux qu'on ne s'y attendait, ou moins. L'amour même est plus compliqué qu'auparavant. Et d'autres problèmes, plus concrets, émergent. Comment se nourrir. Comment se loger. Que faire, au fait, de soi même durant toute la période qui s'annonce ? Le cocon était confortable, mais ce qui attend au dehors semble froid et vaguement hostile. Mais qu'importe. On est jeune, on est fort. Le monde veut nous dompter ? Eh bien, on domptera le monde !
The Infinite Sadness
Et puis vient le doute. Et si on était seul ? Et si on était pas aussi fort, aussi doué, aussi certain de trouver sa place qu'on le pensait ? Et si ce qu'on faisait, là, en ce moment, ce qui paraissait l'âge d'or de notre vie, était du gâchis ? Et si ce qu'il fallait faire, on l'avait annoncé au début, quand on écoutait pas, et qu'on se retrouvait maintenant à la traîne, perdu derrière les autres pour qui tout semble plus simple ? Est ce qu'on est pas ridicule, à vivoter de gauche à droite, à s'attarder sur des détails de geeks ou à regarder vers le soleil couchant dans l'espoir d'un avenir fantasmé au lieu de se résigner à s'en construire un qu'on devine médiocre ? Et si un jour, en parlant à des amis, on se rendait compte qu'ils étaient devenus des étrangers ?
Et on ne parle même pas de ces fichus végétaliens super-sayiens. Quelle plaie.
Gets It Together
Alors, on se reprend. On fait des efforts. On essaie d'explorer de nouveaux horizons. On va travailler. On va étudier. On apprend à regarder au-delà de soi-même. On accepte de laisser certains aspects de son passé pour mieux préparer son avenir. On comprend que le futur arrive, qu'on le veuille ou non, et on essaie de s'y préparer un peu. Ce n'est pas qu'on abandonne qui on était, mais on tente de le raffiner, de l'aiguiser pour les nouveaux défis à venir. C'est le temps de venir une fois pour toute à bout des démons qui restaient de l'adolescence. On abandonne d'anciens combats, et on se donne de nouvelles armes !
Vs The Universe
Mais la vie ne devient pas vraiment plus facile, en fait. Se confronter aux problèmes du monde réel ont rappelé à quels points ils sont complexes, nombreux et massifs. On s'y noierait. Le quotidien devient plus lourd, et on a l'impression qu'on ne pourra pas s'en extraire, alors même que les choix pour l'avenir s'imposent de plus en plus. Même les anciens plaisirs ne semblent plus que des habitudes sans fondements. On était parti plein d'enthousiasme pour trouver un sens à sa vie, et ce sens semble être tout simplement de continuer à exister, aussi morne que ça puisse être. Alors on a peur. Quand le monde semble avoir changé et qu'on a pas changé avec lui, on reste figé comme devant les phares d'une voiture. Et on se réfugie, encore, dans des mondes virtuels plus confortables. Dont on ne sait pas comment ni quand on pourra en sortir.
Finest Hours
Comment en sortir ? Mais en se rappelant qu'on est toujours le même qu'il y a quelques années ! Toujours le même botteur de chewing-gum et macheur de cul (ou l'inverse). Et il est temps de prendre son courage à autant de mains possibles et de commencer par régler les problèmes présents. Que ce soit des problèmes relationnels, professionnels, romantiques, rien ne peut résister tant qu'on y va avec assurance. On retrouve la voie, les succès qui sont comme autant de compétences gagnées, de niveaux franchis. Et on trouvera même le temps pour se remettre soi-même en cause, faire face à ses erreurs passées, accepter qu'on les a faites et qu'il faudra changer pour ne plus les refaire. Et finalement, accepter d'affronter la vraie vie, et de trouver le moyen d'y mettre autant de rêves possibles.
Scott Pilgrim est un très bon comics. C'est drôle, c'est tendre, c'est malin, c'est intemporel et daté à la fois. Ça parle de ninjas, de jeux vidéos, de romance et de rock'n roll, sans se la jouer. Ça présente des hipsters, des geeks, des artistes et des losers, sans glorifier, mais sans moqueries non plus. C'est une histoire sérieuse qui contient des vrais bouts de boss de niveaux dedans. Mais ce n'est pas ça qui lui vaut une place dans mon coeur, encore aujourd'hui. Sa vraie réussite, c'est d'avoir réussi à capturer ce que c'est qu'avoir la vingtaine et de ne pas savoir quoi faire de sa peau. Ce que c'est que d'évoluer dans un monde étrange où tout semble une porte et où tout semble fermé. Ce que c'est que de vouloir devenir une meilleure personne et être heureux à la fois. Ce que c'est, au fond, que d'être un adulte, et d'être toujours un gamin.