Une sympathique petite trouvaille dans le rayon BD jeunesse 2021, "Hématite" est ce que j''appelle affectueusement un "univers ténébreux sympathique", soit un décor fantastique sur la thématique des monstres, où ces derniers sont généralement gentils et tiennent la vedette, à la manière d'Amélia Fang, Fingus Malister, Mortina ou Mélusine.


C'est donc dans un monde où coexistent humains et créatures de l'obscure que vit Hématite, jeune adolescente vampire de 12 ans, et ses amis. Fille unique de M. et Mme Blackwood, Hématite refuse de boire du sang et a choisi de faire sa scolarité à l'école de quartier plus "publique" que ce collège pour vampires privé que voulais la voir fréquenter ses parents aristocrates. Elle verse dans la poésie, cultive de doux sentiment pour Émile, l'humain de sa classe, et subit les moqueries liés aux stéréotypes des vampires. En effet, Berthe ( Loup-Garou) a beaucoup de préjugés contre Hématite et a du mal à lui faire confiance. Ceci-dit, elles ont Drunela comme amie commune. Drunela est une goule ( une "Draugr" pour reprendre ses termes) qui semble être la meneuse de leur groupe d'amis et qui a une relation très solide avec Hématite. Donc, dans ce premier opus, nous suivons Hématite et ses sentiments pour Émile, sa relation houleuse avec ses parents et les amis de Drunela, ses étranges crises de colère, son ardent besoin d'être comprise et les premiers interdits qu'elle va briser avec son groupe d'amis. Mais le tome s'achève sur une note sinistre qui va faire basculer le récit vers une direction plus dangereuse et éthiquement questionnable.


Comme dans la plupart des premiers tomes de BD, on plante le décor, qui est vraiment bien! Ok, un monde de monstres n'est pas en soit nouveau, mais j'ai une mention particulière à faire aux personnages, qui eux sont assez rafraichissants. Drunela m'aura particulièrement surprise. D'ordinaire, en jeunesse, la "meilleure amie" n'incarne pas la meneuse du groupe, mais c'est le cas ici, malgré un physique qui semblait lui profiler un personnage détaché et secondaire. Au contraire, je trouve Drunela entrepreneuse, intelligente, audacieuse et rassembleuse. Son look tranche, mais c'est justement plaisant de sortir des conventions. Hématite est une âme sensible, incomprise, timide et empatique. Elle veut se conformer à son propre code moral, qui va aux antipodes des codes vampires et donc, de sa famille. Elle dégage souvent une forte mélancolie et des yeux tristes, mais malgré ses airs presque soumis, elle parvient à rester sur ses opinions. J'ai beaucoup aimé Berthe, jeune femme loup-garou ( yeah! Enfin une fille pour cette espèce!) costaude, franche, méfiante mais aussi capable de changer d'avis. Il y aussi Alphonse ( sorte de monstre en gelé jaune au cerveau visible dans sa tête, genre "The Blob"), seul gars du groupe ( alors ça c'est rare!) et Frida, zombie, qu'on aura du mal à décrire vu le peu d'infos à son sujet. Un personnage très tertiaire pour le moment. Enfin, il y a Émile, vêtu comme un bourgeois, plutôt calme et sérieux, qui verse dans les arts occultes et semble plutôt froid. On sait qu'Hématite a le béguin pour lui, mais en dehors de son physique, difficile de voir ce qu'elle lui trouve.


Donc, j'ai trouvé pleins de belles qualités à cette BD. le traitement des personnage est vraiment intéressant, ils ont des personnalités distinctes, assez différentes, des expressions faciales efficaces et j'adore le fait qu'ils changent de vêtements chaque jours comme des êtres normaux ( dans la plupart des BD jeunesse, les personnages conservent les même vêtements tous les jours).


L'histoire coule bien, on se demande si la petite vampire fera ses premiers pas vers Émile, mais plus loin, on se rend compte qu'un autre enjeux s'ouvre du côté de Drunela, avec sa tante emprisonnée où une procédure interdite serait en cause. On apprend à mieux cerner l'univers en présence, les disparités d'espèces et de classe, ainsi que les lieux.


J'apprécie le fait qu'on revienne aux bons vieux vampires folkloriques qui se changent en chauve-souris aristocrates et vieux-jeux , très loin de cette version horripilante de la "Fascination" où ils avaient des airs de starlettes de soap américains au tempérament dépressif tout droit sortis de chaudières de paillettes de fée Clochette. Au moins, dans leur formule classique, ces vampires sont crédibles.


Je pense que cet univers a du potentiel, surtout si les auteurs gardent cet axe nouveau sur le traitement des personnages. J'aime beaucoup la présence de ces jeunes filles, qui sont plusieurs pour changer et qui nous livre un message de tolérance et d'ouverture d'esprit.


Côté dessin, là aussi je trouve que c'est du beau travail. On utilise les hachures noires pour renforcer l'obscurité et une palette terre pour le nuancier, ce qui fait ressortir certaines couleurs plus rares. D'ailleurs, j'aime le choix du bleu pour la couverture, qui nous sort de ce sempiternel Noir ou Rouge typiquement associé au Vampire. Après tout, c'est un bon choix de couleur pour Hématite et son gros côté "Fleur bleue". Et on peut cerner tout de suite à son regard tragique, les mains serrés sur son journal de poésie, de quel genre de personnage il s'agit, sans trop en révéler non plus.


À travers cet univers très Halloween, demeure le fait qu'il s'agit de traiter d'adolescence, de ses hauts et ses bas, les amitiés, la famille , le sentiment d'être incompris ou différent. Clairement, on reste dans quelque chose d'accessible et de touchant.


Espérons que la suite sache conserver cette étonnante douceur qui sied étonnamment bien à cet univers ténébreux.


Pou un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.

Créée

le 13 juil. 2021

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Shaynning

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