trappeur
buddy longway autre interprétation de Jeremiah Johnson se retrouve tout seul en pleine nature une patte cassé vers 1835 dans les rocheuses lisez toute la série
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le 13 avr. 2021
Ma jambe droite était cassée… J’étais blessé à la tête… Loin de tout… J’étais perdu…
Claude de Ribaupierre, alias "Derib", nous livre avec les éditions Le Lombard le quatrième tome de Buddy Longway, intitulé « SEUL ». Pour la première fois, cette suite rompt avec la ligne narrative des trois premiers albums, qui suivaient le fil d’une histoire d’amour entre Chinook, une jeune squaw, et Buddy, un trappeur au visage pâle et à la chevelure dorée. Chaque tome jusqu’ici marquait une étape : la rencontre, le mariage, l’installation dans une maison, puis la naissance d’un fils. Une progression intime, profondément humaine, presque dépouillée de tout artifice, qui offrait une véritable bouffée d’air frais dans le paysage de la bande dessinée franco-belge. Derib s’y démarquait en allant à contre-courant des conventions de l’époque, où les héros étaient figés dans le temps, éternellement jeunes et immuables. Ici, les personnages changent, évoluent, vieillissent, et c’est précisément cette authenticité qui fait toute la force de Buddy Longway.
Pour ce quatrième album, nous suivons un périple entièrement centré sur la survie. Buddy Longway, en route vers le fort pour vendre ses peaux, est victime d’un accident survenu à la suite d’un éboulement. Grièvement blessé, il reprend conscience pour se découvrir dans une situation dramatique. Il est perdu au milieu de nulle part, complètement seul… ou presque. Il pourra néanmoins compter sur la présence fidèle de ses deux chevaux, Fellow et Tache de Lune. Je tiens à souligner l’incroyable maîtrise de Derib dans l’introduction de ce nouveau tome. Dès la première page, il nous plonge sans détour au cœur du sujet, avec une intensité renforcée par une mise en page remarquablement pensée. On assiste à la chute de Buddy, percuté par les rochers, avant de le voir rouvrir les yeux, incapable de se relever, isolé dans la nature sauvage, sans âme qui vive aux alentours. Puis, la case suivante élargit soudain le cadre avec un vaste panorama qui s’ouvre. Un panorama désespérément vide, accentuant brutalement la solitude du personnage. Ce contraste saisissant transforme l’immensité du décor en huis clos angoissant. Et là, en lettres massives, surgit le titre : « SEUL ». Un effet visuel et narratif qui a le mérite de nous accrocher direct. Chapeau bas.
La fièvre et la douleur me terrassèrent… Dans mon délire, je revis Chinook et Jérémie… Je ne devais pas me laisser mourir... Je n’avais pas le droit de leur faire ça…
S’ensuit un récit haletant, où Buddy tente tant bien que mal de se déplacer malgré une jambe fracturée et un traumatisme crânien. Son objectif est simple, retrouver coûte que coûte la civilisation. Son chemin est semé d’embûches, l’obligeant à faire preuve d’ingéniosité pour survivre. Derib nous offre à cette occasion de superbes planches, magnifiant la nature sauvage et ses habitants, affirmant un trait de dessin plus performant, notamment autour des visages bien plus travaillé que lors du premier tome. Découle quelques scènes marquantes, comme celle avec une ourse et ses deux petits, ou encore la traversée d'une rivière. Si la première moitié de l’album est brillamment maîtrisée, la seconde perd en intensité. Buddy finit par atteindre le fort, après une fuite précipitée devant des Crows enragés… et c’est là que le rythme se perd un peu trop. Cette résolution arrive bien trop vite, donnant l’impression que Derib a voulu conclure en accéléré. Il aurait gagné à prolonger cette traversée éprouvante et à ancrer l’entièreté de l’album dans ce périple solitaire, au lieu de bifurquer vers une nouvelle intrigue moins percutante.
En effet, une fois arrivé au fort, l’histoire bascule dans une course contre la montre pour sauver ses habitants pris en tenaille à l’extérieur. Mais Buddy, cloué au lit par le médecin, est mis hors-jeu, et ce sont finalement les soldats qui interviennent… hors champ. Pour combler ce vide, notre survivant de l’extrême se voit courtisé par Nancy, la sœur de Michael, un jeune homme que notre héros a secouru durant son périple. Ce n’est pas désagréable, mais la tension dramatique redescend brutalement, au profit de développements secondaires nettement moins engageants. Pourquoi avoir fait un tel choix ? Pourquoi passer autant de temps à fomenter une relation amoureuse, qui de surcroit, n'arrivera jamais ? La dernière partie voit Buddy reprendre la route, remis sur pied, pour retrouver son ranch où l’attendent sa femme et son fils. On retrouve alors un peu de souffle avec une ultime péripétie sous la forme d’une brève altercation avec un Crow, s’avérant être Loup-Sauvage, un ancien adversaire apparut dans le premier tome : « Chinook ». Un face à face résolu en quelques cases seulement avant que le rideau final ne tombe. Ne vous méprenez pas, SEUL est un bon album. Mais il avait le potentiel pour devenir une œuvre majeure de la saga, s’il avait conservé jusqu’au bout l’intensité et la tension de sa première moitié, au lieu de les diluer dans des scènes plus accessoires dont on se désintéresse totalement.
SEUL marque un tournant audacieux dans la série Buddy Longway. Derib y explore une veine plus introspective, plus crue, où la survie prend le pas sur la chronique familiale. Ce quatrième tome débute avec une force narrative et graphique remarquable, nous plongeant dans un huis clos à ciel ouvert, où la nature devient à la fois ennemie et témoin silencieuse. Malheureusement, cette tension initiale ne parvient pas à se maintenir jusqu’au bout, la seconde moitié de l’album cédant à une narration plus convenue, et bien moins viscérale. Une pièce inégale, dont les sommets auraient mérité davantage d’espace pour pleinement s’imposer.
Un album essentiel dans le parcours de Buddy Longway, ne serait-ce que pour son audace… et pour ce qu’il promet encore à venir, du moins je l’espère.
Devant moi, tout disparaissait comme dans un trou noir… Il fallait tenir… Tenir… Tenir…
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Créée
le 5 avr. 2025
Modifiée
le 6 avr. 2025
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