« Shangri-La » avait marqué l’année 2016. L’album de Mathieu Bablet, lourd de ses 220 pages, proposait une couverture racée et intrigante et une science-fiction de qualité. Devant les promesses, j’avais hâte de me lancer dans la lecture du pavé.
Après avoir abusé de la planète Terre, l’humanité est contrainte de vivre sur une station orbitale. La société est régie par une consommation effrénée, censée abolir toute velléité de rébellion ou de religion. Bien évidemment, cela ne suffit pas à tout contrôler et l’on s’intéresse ici à un groupe de futurs résistants.
Passé le prologue très réussi, ça se gâte rapidement. À aucun moment je ne me suis attaché aux personnages, dont les motivations sont bien floues. La palme revient aux deux frères qui se font la gueule puis se soutiennent à longueur de pages sans que l’on sache trop pourquoi… C’est surtout que Mathieu Bablet nous propose une science-fiction tellement proche de notre quotidien, qu’elle manque de personnalité. On peut critiquer la société de consommation sans forcément montrer des êtres humains voulant à tout prix acheter le dernier smartphone et se prendre en selfie… Le point fort de la SF est de faire des parallèles avec notre monde. Ici, c’est tellement appuyé que ça en devient ridicule.
Au milieu de cette critique facile, quelques thèmes présentent de l’intérêt. Les personnages animaliers, appelés animoïdes, ont leur charme, même si encore une fois c’est très appuyé. On retrouve aussi la difficulté de l’engagement dans la résistance, le choix de la violence… Mais c’est dans ses choix métaphysiques que Shangri-La possède sa force. La place de l’Homme est intelligemment traitée et ses ambitions déifiques donne du poids à l’épilogue. Peut-être que cet axe aurait mérité d’être plus abondamment traité que le simple consumérisme.
Concernant le dessin, il participe certainement au succès de « Shangri-La ». Pour ma part, je n’ai pas été particulièrement séduit par le trait de Mathieu Bablet que je trouve assez froid et figé. Mais le travail des couleurs, la minutie de l’ensemble, notamment dans les décors, en font un ouvrage de qualité sur ce plan. Quelques pages dans l’espace sont bluffantes.
J’ai été déçu par « Shangri-La ». J’en avais entendu beaucoup de bien, mais je n’ai pas accroché, ni aux personnages (à part John), ni aux enjeux. Manquant de finesse dans sa dénonciation forcée du consumérisme, l’auteur s’égare alors que les bonnes idées semblent reléguées au second plan. Dommage.