Remarqué grâce à sa participation à quelques récits publiés dans l'anthologie Doggybags supervisée par Run, Mathieu Bablet signe avec Shangri-La un one-shot étonnant, aussi ambitieux que graphiquement somptueux.
S'éloignant donc de l'exercice de style purement récréatif et du clin d'oeil parfois facile des Doggybags, Mathieu Bablet digère ici plutôt bien ses influences multiples, allant de Katsuhiro Otomo à V for Vendetta, en passant par George Orwell ou Le Transperceneige, et créer un univers fascinant, peut-être pas aussi original que ça, mais qui a le mérite de tenir la route.
Si l'écriture manque parfois de subtilité, les nombreuses thématiques abordées par l'auteur sont passionnantes, qu'il s'agisse de l'étude sociologique, de la description d'une société nouvelle loin d'être aussi utopique qu'elle le prétend ou de la portée philosophique et métaphysique de l'ensemble. Violent et inconfortable, parfois même très dur (la révélation tournant autour de L'arche, aussi bouleversante que révoltante), Shangri-La n'en oublie pas pour autant une certaine poésie, notamment lorsqu'il s'attarde sur la beauté silencieuse du vide spatial.
Bien rythmé et efficace, plus d'une fois impressionnant, Shangri-La se montre également d'une ampleur folle, les planches de Bablet comptant parmi les plus belles vues ces dernières années dans le monde de la bande dessinée franco-belge. Le grand format choisi renforçant la puissance de certaines cases convoquant aussi bien Moebius que le manga ou le comic-book.
Certes imparfait, Shangri-La demeure une très belle surprise, un bien bel objet étonnamment abordable (à peine vingt euros pour une BD aussi grande et épaisse, c'est limite cadeau), qui vient confirmer mon intérêt pour son créateur et pour le Label 619.