Dans la ville du péché, Marv ne sait pas trop comment se comporter. Il hésite entre massacrer tous ceux qui lui déplaisent ou se plier aux conventions sociales. Colosse issu d’un autre âge, il se réfugie dans l’amnésie pour supporter ce monde absurde. Dwight croyait être un chevalier sans peur et surtout sans reproche, mais il commet l’irréparable. Hartigan reste intègre envers et contre tous et s’efforce de ne pas céder à la plus douce des tentations. Car la ville du péché offre ce qu’il y a de pire en matière de vices et sa séduction est irrésistible.
Cette critique couvre toute la série.
Frank Miller est un vieux routard des comics. Amateur de grands gars baraqués, de bastons épiques et de jolies femmes, il a fait ses armes dans les années 80 avec Daredevil et Batman. Au début des années 90, il lance sa propre série, Sin City.
L’attrait de cette BD repose sur son graphisme inimitable. Frank Miller dessine les ombres et c’est une idée géniale. Les aplats d’encre détourent des personnages forcément sombres et posent une ambiance impressionnante de films noirs. Suivant ce genre, les histoires sont tragiques et finissent souvent mal. De même, les personnages ont tous des caractères, des dégaines et des gueules particuliers qui font qu’un simple trait permet d’identifier Wallace, Wallenquist ou la mortelle petite Miho. Certains contrastes sortent même carrément du réalisme pour attirer l’œil du lecteur sur un détail et l’utilisation de la couleur (dans le tome Hell and back) est vraiment très bien trouvée. Bravo l’artiste !
Comme souvent, les histoires du début sont prenantes, mais, par la suite, Frank Miller perd l’inspiration et n’offre plus que des nouvelles. C’est rigolo de retrouver les personnages familiers, mais moins intéressant. Seul le dernier tome propose à nouveau une histoire complète en forme d’adieu, et c’est d’ailleurs assez émouvant.
Par ailleurs, Sin City a eu suffisamment de succès pour être adapté au cinéma et le film comprend des prises de vues qui correspondent exactement à certaines cases ; c’est bluffant.
Toutefois, si l’on jette un œil à ces histoires d’un point de vue adulte, la dimension psychologique est plutôt glauque. Les problèmes sexuels sont au centre de cette œuvre avec des perversions rappelées tout au long des tomes (chez les méchants, bien sûr). Les romances sont rarement des amours partagés et les femmes sont toujours des prostituées, des travailleuses de charmes ou des futures esclaves sexuelles comme Esther. Les héros sont des enfants tout puissants qui friment et massacrent des monstres (les méchants sont physiquement laids), mais qui sont en difficultés face aux vraies femmes. Dans ce sens, Ava incarne la femme fatale, la déesse méphitique et irrésistible qui transforme les hommes en zombie à l’instar de Manute. Cette peur de la femme dangereuse (de Miho à Gail en passant par Yeux bleus) ainsi que cette passion pour les gros mâles virils bien dominateurs laisse supposer certains conflits chez l’auteur. Voilà pour l’analyse de comptoir.
Sin City n’en reste pas moins une magnifique œuvre d’art que tout amateur de dessin se doit de posséder, au moins quelques tomes.