Autant le dire d'emblée, je n'ai pas été touché par cette œuvre, que ce soit dans le fond ou dans la forme.
Visuellement d'abord, je n'ai pas vraiment aimé le style. Je ne m'attendais pas à un doublon graphique du Bleu et je suis plutôt admiratif des artistes qui se cherchent, qui essayent de nouvelles choses au lieu de se conformer à l'attente d'un public qui a plébiscité l'une de ses œuvres; mais ici, pour moi, ça ne fonctionne malheureusement pas.
Autant le Bleu était presque simpliste dans les couleurs, autant ici on assiste à un véritable feu d'artifice. Les traits sont grossiers, charbonneux et expriment sans doute une volonté de se rapprocher du fauvisme, pour coller au caractère sauvage du personnage.
Dans l'ensemble c'est beau, oui, mais trop grossier pour me donner envie de m'attarder sur les planches. La lecture est rapide, mais surtout parce que je n'avais pas vraiment de détails à quoi me raccrocher, mis à part les dialogues. Et c'est dommage car quelques planches ici et là nous laissent entrevoir une certaines volonté de travailler le visuel un peu plus en profondeur; je pense surtout à la conférence de presse au départ.
Sur le fond, enfin, la critique sociale c'est bien et bon, on sent que l'auteure cherche à nous questionner sur la société et ses interdits, mais à la fin de cette lecture je n'ai eu qu'une question en tête: pourquoi n'ai-je pris conscience du sujet traité qu'à la lecture de la postface de Julie Maroh? Une BD claire doit avoir l'impact souhaité sans pour autant avoir besoin d'être expliqué en détail avec une thèse de philo à la fin.
On est dès le début entrainés à suivre l'histoire et la chute d'un homme qui n'inspire aucune sorte de sympathie. A aucun moment le lecteur est amené à voir la motivation principale du personnage, ce qui le pousse à agir comme il le fait et surtout à commettre cet acte scandaleux (le mot devait sortir à un moment où à un autre). Pour une BD qui traite du sujet de l'identification et du bouc-émissaire (terme désignant un innocent déclaré coupable), c'est dommage de la part de l'auteure de ne pas essayer d'attirer un semblant de sympathie envers son personnage principal. Si alors c'est volontaire, je n'ai pas compris sa démarche.
L'ensemble laisse l'impression d'un travail inachevé, autant esthétiquement que sur le plan des idées tant on sent que l'auteure a du mal à aller au bout de ses idées et théories sur la société.
Je mets tout de même la moyenne haute à cette BD, car même si elle ne m'a pas interpellée d'aucune façon, certaines planches restent très belles et on sent un réel travail derrière tout ça, et surtout une volonté de bien faire ou tout du moins de rester en accord avec soi-même. On sent que Julie Maroh se cherche, se pose des questions sur son style, ses idéaux et comment les transmettre aux autres; si je n'ai pas été réceptif cette fois-ci ça ne veut pas forcément dire que le résultat est catastrophique et j'espère de tout cœur qu'elle continuera de faire ce qu'elle aime.
(PS: Dommage de la part de Glénat de ne pas adapter le format à celui du Bleu, ça aurait fait moins tache dans ma bibliothèque, mais c'est juste une pensée comme ça, qui n'influence aucunement la note bien évidemment.)