Solo, parti en quête d'un ailleurs plein de promesses, avait terminé dans le tome précédent son périple exsangue, crucifié sur le chemin de son rêve. Son message demeure après lui, la graine qu'il avait plantée ayant grandi au sein d'une partie des êtres pensants.
Tandis que le monde des carnivores ne connaît que le sang, la violence et la poussière, voici que le monde de la sylve, tapi à la lisière du continent, se révèle aux yeux des protagonistes. Ces deux zélateurs de la parole du chien devenu messie découvrent de nouvelles espèces végétariennes, source d'une véritable stupéfaction pour eux.
Mais ils ne sont pas les seuls à connaître la présence de ce mur vert. Les humains, les gouverneurs en tête, ont connaissance de ce monde qui menace leur suprématie, à l'instar des idées nouvelles qui font des émules bien malencontreux selon leur propre doctrine. Ne connaissant que la guerre et la loi du plus fort, ils refusent d'abandonner ne serait-ce qu'une parcelle de leur pouvoir. Par la terreur ils gouvernent, par la violence ils entendent conserver la place située en haut de la chaîne alimentaire.
Deux philosophies contraires vont bientôt s'affronter. Le conflit sera sans pitié, d'autant plus qu'elles sont incompatibles et irréconciliables.
Avec marcher sans soulever de poussière, Oscar Martin nous invite, dans ce cinquième tome de Solo, à arpenter son monde violent avec l'espoir au cœur. Si les idées d'empathie avaient émergé dans ce monde sans tolérance, voici qu'elles trouvent désormais un terreau fertile pour prospérer. Les végétariens représentent une alternative à la pensée dominante prédatrice. Le parallèle avec notre société et son possible plus vert apparaît évident. L'auteur, par l'introduction d'un personnage particulièrement militant, n'occulte pas le risque de fondamentalisme vert qui menace l'action de ces nouveaux venus. Néanmoins, la présentation entre méchants carnivores et gentils herbivores m'a semblé un peu trop caricaturale. Mais pour le lecteur attentif, il n'aura pas échappé que le vers se trouve déjà dans le fruit. En effet, la surpopulation qui semble toucher certaines parties de ce peuple sylvestre pose déjà problème car le besoin de nouveaux territoires les presse de s'étendre, avec le risque de phagocyter le monde qui s'offre à eux.
Aucune solution ne paraît pouvoir donc satisfaire toutes les exigences des deux parties. Le sentier de l'équilibre prôné par Solo est toujours très étroit et la guerre apparaît inévitable, une fois encore.
Ce récit est servi par un dessin et une mise en couleurs toujours aussi soignés qui régale l'amateur de traits déliés et d'animaux humanoïdes. Un plaisir de lecture qui demeure intact, en dépit d'une légère dérive manichéenne.