Sous les bouclettes s'ouvre sur un décès, et se termine de la même façon. Mais on vous le promet, sa lecture est un beau voyage où il est, certes, question de maladie, mais surtout d'amour.
Ça parle de quoi ?
"L’histoire que vous vous apprêtez à lire, c’est l’histoire d’une famille, l’histoire d’une vie" prévient d'emblée Mélaka en préambule de Sous les bouclettes. L'album est né après le décès de sa mère, Anne Liger-Belair, plus connue sous le pseudonyme de Gudule, une romancière prolifique réputée pour ses innombrables publications jeunesse. Gudule a passé la fin de sa vie à lutter contre une tumeur au cerveau, entourée, à près de 70 ans, par Castor, son nouvel amoureux, ses enfants et ses amis. C’est ce récit d’un quotidien où la maladie est omniprésente que sa fille Mélaka a choisi de raconter, ponctué par des anecdotes extraits de récits autobiographiques de sa mère.
Pourquoi j'adore
On ne va pas se mentir, Sous les bouclettes ne met pas une grosse patate, mais on s’en doutait déjà en l’attaquant. Mélaka confesse avoir imaginé ce livre comme une "auto-psychanalyse, un besoin d’extérioriser" ses souvenirs avec celle qui était "bien plus qu’une maman". "Avant tout, ce livre est une façon de lui dire à quel point je l’aime. C’est un cri d’amour, un cri d’adieu." Alors, oui forcément, on souffre à la lecture. En voyant cette Gudule, qui n’était pourtant pas notre maman, perdre jour après jour, sa mobilité, ses cheveux, sa joie de vivre et finalement, rongée par les souffrances, toute envie de vivre.
C’est la force de cet album, qui sans jamais tomber dans le pathos, nous fait aimer cette femme qu’on aurait adoré connaître. On la découvre grâce à ces pages en sépia qui viennent entrecouper les années de maladie ou les raconter de façon plus légère. Comme lorsque le médecin annonce à Gudule qu'elle a un "gliome" (le nom scientifique donné aux tumeurs au cerveau) et qu'elle entend "Guillaume", prénom qu'elle donnera par la suite à son cancer lorsqu'elle s'adressera à lui. Ce sont des dizaines de planches qui révèlent une Gudule ultra attachante, aussi spontanée que gaffeuse, et rendent le récit de ces trois longues années moins pénible.
Sous les bouclettes est également une formidable leçon de bienveillance et de patience, qui résonnera chez toutes les personnes ayant été confrontées, de près ou de loin, à la maladie d'un proche. Une sublime preuve d'amour d'une fille à celle qui était autant son amie et sa confidente, que sa maman.
C’est pour vous si…
Vous aimez les BD qui vous serrent le ventre et auxquelles on repense longtemps après les avoir refermées. On pense au prodigieux Est-ce qu’on pourrait parler d’autre chose ? (éd. Gallimard) de Roz Chast sur la vieillesse ou au poignant Ce n'est pas toi que j'attendais (éd. Delcourt) de Fabien Toulmé sur la naissance d'un enfant atteint de trisomie 21. Des ouvrages qui abordent de front des sujets durs mais dont la lecture nous rend plus fort, plus tolérant, rempli d'amour et d'empathie. Des albums indispensables et Sous les bouclettes est de ceux-là.
Critique publiée sur franceinfo / Pop Up'