Parmi les nombreux récits émaillant la (très) longue existence des super héros, certains se positionnent comme des pierres angulaires dans la chronologie de publication, marquant de hauts faits l’inarrêtable story line. Si globalement il s’agit là de récits qu’il ne serait que trop bon de découvrir ou redécouvrir pour tout lecteur, d’autres sont également considérés comme bien moins recommandables, tout en restant un récit majeur de leur temps. Et c’est précisément le cas de Maximum Carnage. 30 ans après, qu’en est-il de la douloureuse réputation que porte cet événement ?

Publié courant 1993, Maximum Carnage a immédiatement embrassé de grandes ambitions : celles de réunir et d’impacter toutes les publications concernant l’homme-araignée. Il faut dire que Spider-Man profitait alors d’une célébrité sans commune mesure, qui se reflétait dans la ligne éditoriale de la Maison des Idées. C’est en effet pas moins de quatre séries qui étaient alors publiées mensuellement, plus Spider-Man Unlimited (trimestriel), qui nait pour l’occasion.Faisant suite aux événements ayant donné lieu à l’apparition de Carnage (Amazing Spider-Man #361-363), le symbiote fait son grand retour à l’occasion de cette saga MaximumCarnage. Une histoire qui s’ancre dans la pleine continuité de la timeline en cours pour l’ami Spidey. De fait, le lecteur découvrant l’histoire en cours de route pour ainsi dire risque d’être assez désorienté par certains éléments (Peter a retrouvé ses parents ? Que fait Venom a San Francisco ?). Quelques éléments certes flous qui n’empêchent toutefois pas de comprendre l’ensemble de l’oeuvre.

On découvre ainsi Cletus Kasady au sein de l’institut pour dangereux criminel de Ravencroft, se libérant à l’aide du symbiote Carnage resté en synergie avec lui. Toujours animé d’une folie meurtrière sans égale, il se voit en plus accompagné de Shriek (mutante également internée) du doppelganger (un double monstrueux de Spider-Man précédemment créé par Magus) et du Demogoblin. Ensemble, la dangereuse association n’a qu’une simple idée en tête : mettre New York à feu et à sang. Crossover oblige, l’histoire se prête à l’ajout d’autre personnages pour s’allier à Spider-Man, dont la Cape et l’Epée entre autres, pour un long affrontement dans le but de protéger la Big Apple.

Soyons honnête, le pitch est des plus basiques et ne fera pas de Maximum Carnage une référence de scénario. Cela étant, ce n’est pas forcément un lourd défaut en soi, une histoire simple de bataille entre héros et ennemis pour la sauvegarde de la ville restant au final le scénario appréciable par tout amateur de comics. En revanche, le manque de profondeur latent d’une telle narration entraine une certaine répétitivité ou lassitude en milieu de récit. Il faut dire que Maximum Carnage s’étend sur 14 numéros, sans jamais vraiment dévier de l’arc affrontement/fuite des ennemis/retour au combat/fuite adverse, etc…

Au delà de ça, certains thèmes principaux émaillent les quatorze épisodes : la famille, qu’elle soit par le prisme de Carnage et Shriek partageant leur idéal de fratrie pour illustrer leurs agissements, ou Peter Parker tiraillé entre son devoir de mari et celui de super-héros (en allant plus loin, on peut également y voir le pendant de l’époux accordant par trop d’importance à son travail alors que son épouse l’attend). Ainsi, ces longueurs impactent forcément les situations ou dialogues, l’idéal de justice de Spider-Man se percutant avec Venom et son parti prit bien plus radical. Les premiers échanges sont acceptables (après tout, la frontière de tuer ou non a été maintes fois évoquée, de Daredevil à Batman pour ne citer que les plus connus). Cependant, se retrouver au bout de la quatrième bataille à s’interroger encore sur la nécessité ou non de mettre fin aux jours de Carnage commence à devenir assez rébarbatif. D’autant plus que le symbiote est présenté dans le plus pur manichéisme, semblant uniquement animé par le désir de nuir et la cruauté la plus profonde. De là, il est encore plus difficile d’illustrer le point de vue de Peter Parker tant rien ne semble allez dans son sens. Jouer sur une certaine dualité (Kasady utilisé par Carnage et ne réalisant pas exactement ses actes par exemple) aurait pu approfondir l’ensemble.On retrouve là cela étant l’esprit propre aux comics des années 90, avec une violence nettement accrue, de par la nature même de Carnage n’incarnant et ne vivant que pour la violence. On reste dans un récit Spider-Man toutefois, avec une certaine orientation tout public, aussi on ne sera pas épargner par le laïus du pouvoir de l’amour et de la confiance permettant de garder la foi de lutter (alors qu’on règle tout cela à bases de grandes droites dans les dents)… Cependant le massacre de civils est à plusieurs reprises frontalement évoqué, conférant ainsi une réelle crédibilité à la menace incarnée par le symbiote écarlate.

D’un point de vue artistique, c’est surtout là que le bas blesse. Si l’ensemble de l’oeuvre n’est certes pas immonde (et même à aujourd’hui peut se targuer d’un petit charme vintage dans son style de dessins purement nineties), la proposition est toutefois assez inégale, avec des faciès parfois franchement ratés (Shriek fait peur à elle seule). Certaines planches affichent de belles mises en scènes, mais peinent à allier correctement tous les éléments. Ainsi Spider-Man semblent plus d’une fois figurer au milieu d’un décor urbain sans réellement s’harmoniser avec. D’autres pages ne manqueront pas également de témoigner d’une certaine pauvreté de fond. 

Maximum Carnage n’est aucunement le ratage total que l’on peut lui prêter, mais il échoue très clairement dans sa prétention à se positionner comme un événement incontournable dans l’histoire du monte en l’air. Globalement trop long et trop vide pour tenir en haleine sur toute sa trame scénaristique, il manque également d’un véritable point d’orgue ou de basculement. N’oubliant pas son statut de crossover, il sait convier les invités nombreux autour de la table pour que tous participent au banquet et ne rechigne pas à resservir de l’action à plusieurs reprises. Après tout, c’est avant tout ce qu’attend principalement le lecteur avec un Carnage survolté et un Venom entrant dans la danse. Reste des dessins qui, hélas, auraient gagné à d’avantage d’implication pour conférer un intérêt graphique pur à l’oeuvre.

Maximum Carnage n’est pas une erreur absolue, mais son manque d’impact attire le lecteur plus par nostalgie que par importance du récit.

David_AVINENC
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le 23 mai 2023

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