Le premier tome de cette ambitieuse adaptation - ambitieuse et peut être un brin prétentieuse - ne m'avait pas particulièrement emballé: Pas client du style graphique plutôt conventionnel, ni de la mise en couleur, pas plus que de la mise en page et des cadrages, non plus que des choix opérés dans le scénario…
Et quand bien même! La curiosité m'a finalement poussé dans les pages de ce second chapitre.
Comment vont-ils négocier cette suite, les cinq noms crédités au générique?
Ce seront-ils suffisamment endurcis au terme de leur première charge (Et ce malgré un changement de dessinateur)?
Ont-ils mûri ce beau projet qui mérite que l'on s'y attache? (Pour peu que l'on ait de Moorcock une opinion bienveillante)
Vont-ils parvenir à les caractériser pleinement, tous ces personnages caractériels et inhumains?
En ont-ils suffisamment sous leurs capots pour adapter ce monde épique, lyrique et un brin larmoyant avec les outils rhétoriques de la bande-dessinée?


Las, la préface enthousiaste d'Allan Moore ne change rien à l'affaire, et selon moi le compte n'y est pas:
Le séquençage de l'histoire semble parfois laborieux et peine à installer une tension pourtant nécessaire. Les planches, compressées par les cadrages horizontaux pléthoriques, échouent à se hisser au niveau du modèle et de ses évocations (trop) endiablées, et renoncent à rythmer une histoire trop vite emballée. Les choix graphiques sont plutôt maîtrisés, mais ne cadrent pas avec mes attentes de lecteur, c'est affaire de goût.
Enfin, certaines scènes complaisantes compromettent la bonne tenue des enjeux scénaristiques attendus. Je pense ici à l'infanticide excessivement démonstratif du Dr. Jest (Grimmé pour l'occasion en Cénobite échappé d'Hellraiser) et au massacre de la famille de paysans: Que ces épisodes n'aient pas été imaginés par Moorcock ne pose pas question, une adaptation doit pouvoir se ménager de telles opportunités, mais encore faut-il qu'ils contribuent à la narration et aux évocations qui l'accompagnent; or ces deux exemples ne produisent qu'une périphrase un peu lourdingue.
Il faut quand même relever l'intérêt du carnet de croquis et du portfolio qui concluent l'album. Les études graphiques qui y sont présentées sont à vrai dire beaucoup plus convaincantes que leurs développements ultérieurs: Nécessairement plus sobres, mais aussi plus expressives et plus en phase avec une esthétique Dark Fantasy. Quant aux invités du portfolio, ils rappellent s'il le faut que le graphisme est à lui seul une expression polysémique, et qu'il peut donc jouer d'innombrables variations pour susciter une ambiance ou une dramaturgie, voir même les contours d'une personnalité. Souvent, cela fonctionne sur l'économie plutôt que sur la profusion des détails. Toujours cela s'appuie sur le cadrage (…)


Ça se laisse lire sans douleurs en somme, mais à mon avis ce travail à 10 mains n'a pas su trouver les moyens de ses ambitions, en tout cas pas suffisamment pour aboutir à cette adaptation définitive et virtuose vantée dans les pages mêmes du premier tome.

Gauche-a-Droite
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le 14 déc. 2014

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