Ralf Konig

Les bandes dessinées de Ralf Konig permettent de mesurer, comme le disait un de mes amis, l’évolution de la culture gay sur plusieurs dizaines d’années, ou au moins, je dirais, l’évolution de l’auteur lui-même.

La capote qui tue s’inspire fortement du film noir, se déroule dans le milieu bdsm (c’est probablement une relecture du film Cruising), le héros est bien membré et il aime un jeune prostitué blond et imberbe, alors que Ralf Konig fera la promo dans la suite de ses oeuvres d’un type de mâle complètement différent.

Iago s’inspire des oeuvres de Shakespeare, on retrouve Paul, un personnage de Ralf Konig qui pourrait être son avatar (il s’agit d’un petit mec obsédé par le sexe, mais qui dans cette vie antérieure se retrouve être un incorrigible romantique) et qui développe une passion avec une figure masculine récurrente chez l’auteur : Un grand mâle très poilu, d’origine étrangère, avec une grosse bite. Dans les histoires de Ralf Konig, il y a toujours la poursuite (jamais complètement satisfaite) de cet amant, qui fait beaucoup penser à ce qui se disait dans le porno : les consommateurs fantasment sur la minorité racisée la plus défavorisée (pour l’allemand comme Konig, il s’agit donc du tunisien, alors qu’au royaume-unis, on fantasme sur les pakis, et aux états-unis, sur les latinos. En France, c’est les studios citébeur qui gagnent des sous) il s’agit de fantasmer un partenaire qui n’est pas cultivé, qui n’est donc pas perdu par notre civilisation décadente, qui n’est pas efféminé ou sophistiqué, mais encore rattaché à la nature (et donc à ce qui est bon), encore frustre et malléable aussi, probablement, encore que je m’écarte du sujet puisque le mythe de Pygmalyon n’a pas trop l’air d’être le truc de Ralf Konig, il faut au contraire que cet amant idéal reste à son état d’origine, même si cela condamne en même temps toute relation amoureuse. Les personnages de Konig célèbrent donc régulièrement ces amants qui baisent comme des bêtes, bien que cela se teinte d’amertume vers la fin parce qu’aucune relation n’est possible sur le long terme.

Il est possible aussi d’observer d’autres évolutions chez Ralf Konig, notamment en ce qui concerne les hétérosexuels : à l’origine, les personnages de Ralf Konig ne se mélangent pas avec les hétéros, restent entre eux pour se protéger car l’hétéro est bien souvent agresseur, envahissant (et lorsqu’on essaye de tisser des liens, c’est la cata, par exemple dans Les nouveaux mecs). Le ton se radoucit avec le temps. La bande dessinée Comme des lapins propose une amitié entre un hétéro et un homo qui marche bien.

Ralf Konig intègre aussi de plus en plus de personnages hétéros dans ses histoires (jusqu’à en faire parfois les premiers rôles) alors que jusque là il s’agissait plutôt de raconter le mâle homo. L’auteur, via Paul, que je pense toujours être son avatar (sur la couverture de son autobio, il se représente dans la peau de Paul) traite de divers sujets, comme le vih ou le mariage gay. Il traite également des extrémistes religieux avec la bande dessinée Djinn djinn et fait même des parallèles surprenants entre les pratiques bdsm et la burqa.