Le Portugal, pays follement à la mode en ce moment, ne l'a pas toujours été, faute à un régime dictatorial que la révolution des oeillets de 1974 fera passer à la trappe. "Sur un air de fado" nous replonge au coeur de ces années sombres, où les portugais vivaient dans la crainte d'être arrêtés ( souvent sur dénonciation), torturés, emprisonnés ( beaucoup fuiront au Brésil ou en France notamment).
Dans une ville de Lisbonne ensoleillée, nous sommes durant l'été 1968, le héros de ce remarquable roman graphique mène une vie assez confortable, voire presque insouciante malgré le climat général plus que tendu. Sans épouse ( pas encore la possibilité d'un époux à cette époque), sans enfant, protégé par son métier de médecin, sans histoire apparente ( sauf celle de se mettre au garde à vous devant la femme d'un colonel parti guerroyer dans les colonies du pays ), Fernando s'est créé une bulle protectrice loin de toute velléité de rébellion politique ou de collaborationnisme patent. Bien que soignant quelques policiers du PIDE ( police politique de l'état portugais de l'époque), il reste sourd à ce qu'il voit ou entend dans ces sinistres locaux. Mais le destin lui fera un pied de nez sous la forme d'un gamin des rues plus qu'espiègle...
L'album, remarquablement construit, s'ouvre sur deux pages ensoleillées relatant un accident domestique du vieux Salazar ( le dictateur de l'époque) puis nous transportera bien vite dans les rues lisboètes si pittoresques et à la douce vie bourgeoise de notre médecin. Tout doucement, cette apparente sérénité virera au gris. Il est difficile d'échapper à la peur, à cette conscience qui petit à petit taraude notre héros. Entre la force du présent et un passé qui lui revient en pleine figure, Fernando se retrouvera face à ses responsabilités d'homme : continuer à fermer les yeux ou agir.
Dire que cet album est une pure réussite tant graphiquement ( merveilleux tons dorés et chauds, toujours nuancés de gris), que scénaristiquement est une évidence. Le propos est lourd certes, mais l'auteur y apporte une grande touche de tendresse, un peu d'humour et surtout un regard d'une infinie sensualité, parsemant son récit de vignettes magnifiant cette ville, ce pays, ces gens qu'il semble adorer, donnant ainsi la respiration nécessaire à cette histoire prenante. Quel talent !
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