Hellblazer est une série de comics que j'adore, mais que je n'ai jamais lue dans l'ordre. Et des débuts, je n'avais lu que les deux premiers volumes édités il y a des années par Panini, qui réunissaient les numéros 1 à 13, et des one-shot. Ils s'étaient arrêté là dans la publication des premiers Hellblazer, et de toute façon le second volume ne m'avait pas plu. J'ai du mal avec les anciens Hellblazer, en partie à cause des dessins datés, mais aussi parce que le fond politique l'emporte sur le caractère fantastique. Ca parlait de Margaret Thatcher, de la crainte du nucléaire, ...
Mais lire des numéros plus récents de la série m'a donné envie de mieux connaître Constantine, et d'en lire de toutes les époques.
Je n’avais pratiquement aucun souvenir de l’album précédent en débutant The fear machine, où j’ai découvert que John était accusé de meurtre pour un rituel satanique, et est dès lors recherché par la police. Il avait agi de sorte à sauver le monde, et se retrouve poursuivi pour ça ; une notion intéressante.
Il s’avère quelques numéros plus tard que le problème se règle tout seul, à coup de "ah non, en fait c’est la presse qui s’est emportée, on ne t’a jamais suspecté". Ah ok.
Bon en tout cas, se croyant menacé, John fuit et se retrouve en pleine campagne, où il rejoint une sorte de camp d’hippies, amateurs de psychotropes, qui nous font l’éloge de la vie nomade, de l’entraide, … Et Constantine s’y plaît, il est même prêt à adopter ce mode de vie.
C’est pas le type de récit qu’on trouve de nos jours… ni le type de récit qui m’intéresse.
Toutefois, il y a dans le camp une fillette aux pouvoirs psychiques, Mercury, capturée pour que son don soit utilisé à des fins néfastes. Elle récupère les peurs des gens, pour alimenter une "fear machine", une arme qui produit des hallucinations et plonge les gens dans une hystérie mortelle. (il y a une scène où John voit des démons sortir des WC, franchement on aurait pu s’en passer ; dans Dogma c’est volontairement risible, mais là…)
John part à la recherche de la fille, et quel hasard, il tombe sur un flic qu’il connaît, qui enquête justement sur des policiers renégats, qui sont aussi ceux qui ont enlevé Mercury.
Ca vire ensuite dans une histoire de complots politiques, de francs-maçons alliés aux dirigeants de l’Etat, … vraiment pas le type de récit qui m’intéresse non plus, et là encore on sent que c’est marqué par une époque autre que la nôtre… Sauf que la culture hippie et les thrillers politiques, c’était à la mode dans les années 60-70, aux Etats-Unis en tout cas ; là ces comics d’Hellblazer ont été parus en 1989.
J’ai été assez déçu aussi de trouver un John Constantine dépourvu de cynisme.
L’écriture de Jamie Delano est très littéraire, ce qui est sympa pendant un temps, mais c’est beaucoup trop bavard, les textes narratifs prennent deux fois plus de place que les dialogues.
Ca étire la durée des séquences ; on nous narre tout, tout le temps, sans que ça soit utile.
A croire que Delano n’a pas choisi le bon medium pour raconter ses histoires ; le comic c’est visuel, pourquoi faire passer la majorité des infos par du texte ?
J’ai l’impression en plus que l’auteur représente des comportements humains et des modes de pensée simplifiés (le suicide, justifié par des raccourcis). Et il y a des décisions que je ne comprend pas, comme quand John abandonne la cible de la "fear machine" après l’avoir sauvé, alors que c’est vraisemblablement la seule piste qu’il a dans son investigation.
Il y a aussi cette scène où John renverse un type sur les rails du métro, mais personne ne s’en soucie.
Il ne doit y avoir qu’une seule fois où l’exploration des ressentis d’un personnage est réussie : quand le scientifique exprime ses sentiments pour Mercury, là j’ai trouvé quelque chose de plus palpable, et d’un peu plus crédible.
Concernant le dessin, je crois que j’aime encore moins.
Constantine ressemble à un jeune rebelle à la tignasse touffue et jaune (pas blonde), certes c’est juste parce que je lui préfère le style auquel je suis habitué, mais ensuite pour ne pas être reconnu, il adopte un look totalement ridicule, très semblable à celui de Raiden à la fin du second film Mortal kombat (cherchez sur google)… et c’est supposé lui donner un air sinistre et trop cool, à en croire les réactions provoquées !
Autrement, les dessins du premier artiste de l’album sont toujours limite psychédéliques, on a le même effet qu’avec une courte focale au cinéma, les visages sont déformés et semblent trop proches de la "caméra", c’est moche et glauque, même dans des scènes censées être ordinaires.
Alors ensuite, quand ça vire carrément au trip, que ce soit quand John prend involontairement des champis et délire pendant plusieurs pages, ou quand on nous offre une vision très hippie de la magie… ça m’a gavé. Ca n’est pas ma tasse de thé, je préfère largement les visions cauchemardesques et monstrueuses que la représentation merveilleuse des phénomènes paranormaux, dans un esprit très "new age" où on te parle de la Terre comme un être vivant, et où l’on tire sa force d’une communion avec la nature, etc.
Ca, c’est une question de goût, mais même objectivement, les dessins sont bâclés.
Il y a des cases où la gamine ressemble à une femme de 40 ans.
Les perspectives des différents sujets dans une image sont contradictoires. Les changements d’angles d’une case à une autre prêtent à confusion.
Et quel que soit le dessinateur, le découpage n’est jamais clair : soudain on passe en lecture horizontale sur un ensemble de deux pages, sans que ça soit indiqué clairement… et des fois c’est l’inverse, on croit qu’il faut lire ainsi, par exemple parce que toutes les cases du bas ont la même forme et créent un alignement sur deux pages… mais non.
Par contre, j’aime bien les couvertures, qui ressemblent à des œuvres d’art surréalistes.
The fear machine n’est pas un album vraiment mauvais, mais ça n’est juste pas à mon goût. Je vais plutôt reprendre des Hellblazer plus récents.