The Royal Doll Orchestra par Ninesisters
Kaori Yuki reprend le célèbre mythe des zombies. Seulement, c'est du Kaori Yuki, donc cela ne peut pas être aussi simple. Des zombies traditionnels, nous retrouvons l'immortalité relative, la perte de conscience, le cannibalisme, et la contamination par morsure. Parmi les différences, nous noterons dans un premier lieu (pour garder le suspens) une transformation physique qui fait ressembler les contaminés à des marionnettes, et une étrange sensibilité au son ; selon la sonorité, cela peut aussi bien les attirer que les détruire.
Le monde où se déroule l'intrigue change lui-aussi des poncifs du genre, puisqu'il tient plus d'un Moyen-Âge de contes, avec une reine toute-puissante, et des villes isolées – plus ou moins indépendantes, mais assujetties au royaume – dirigées par des familles nobles.
Avec ces éléments de base, The Royal Doll Orchestra pourrait se contenter de faire voyager nos protagonistes à travers ce monde infestés de Guignols, chaque ville ou rencontre pouvant donner lieu à une nouvelle histoire. Là encore, ce serait trop facile pour Kaori Yuki. Si certains arcs se limitent effectivement à un événement ponctuel dans la vie de notre orchestre, en réalité, il s'agit d'un manga dans lequel le scénario progresse réellement ; les personnages ne se contentent pas d'appréhender chaque problème séparément, ceux-ci servent un dessein d'importance puisque le but reste l'anéantissement des Guignols.
Il faut aussi préciser que l'Histoire – avec un grand H – du monde de The Royal Doll Orchestra est intimement liée au destin de ses personnages principaux, et que la découverte de leur passé et de leurs motivations permet de faire progresser l'intrigue encore un peu plus.
Ce manga bénéficie non seulement du trait caractéristique de l'auteur, mais aussi d'un univers relativement original, et d'une excellente écriture, qui nous permet d'en apprendre plus sur cet univers et sur ses habitants, tout en faisant avancer l'histoire. Comme d'habitude avec Kaori Yuki, le lecteur ne sera pas épargné et pourra admirer de nombreux drames humains et quelques-uns des aspects les plus sombres de l'être humain, même si étonnamment il s'agit d'un titre moins dérangeant que d'autres de l'auteur ; cela ne l'empêche pas d'écrire des arcs parfois très durs – comme celui consacré à Gwindel, à la fois horrible et fascinant – mais dans l'ensemble, cela m'a donné l'impression d'être plus « lisse » qu'à l'accoutumée.
The Royal Doll Orchestra se laisse lire avec grand plaisir, et je le considère comme une des grandes réussites de sa mangaka. Je ne lui vois qu'un seul défaut : une fin un peu trop facile. Mais du reste, il s'agit d'un grand Kaori Yuki, avec des thèmes sortant de l'ordinaire, une gestion intelligente de son histoire et de son univers, un dessin magnifique, et une auteur qui décidément ne craint pas de s'affranchir du politiquement correct, afin de nous offrir des oeuvres originales et marquantes. Pour ceux qui n'ont jamais testé un manga de cette artiste, je ne peux que vous conseiller de la découvrir par le biais de celui-ci, puisqu'il associe toutes ses qualités avec un faible nombre de tomes.