Des années après la conclusion de la saga Sandman, Neil Gaiman redonne vie à l'éternel Dream. On aurait pu s'attendre au pire, tellement l’œuvre initiale est complexe et fourmille de détails délicatement enchevêtrés. Et puis... on a tous lu ou vu l'effet parfois dévastateur d'une suite sur l'imaginaire puissant suscité par la création originale (ou l'originalité de la création).
Ici, le récit est une fois de plus tout sauf linéaire, et l'auteur pose des repères, imbrique des fils narratifs, brouilles toutes les règles d'unité de temps, d'action, se joue de nos idées reçues, adapte et modèles les références... On est en 1915. On est en 2015. Il est Sandman. Ils sont Sandman... Ce pourrait être purement illisible, d'autant que l'adaptation graphique accompagne de manière presque symbiotique la narration, laissant éclater des pages (voire des quadruples pages) entières qui tourbillonnent et fourmillent. ET BIEN NON, ce n'est pas illisible. C'est même - curieusement - captivant et limpide. Et cela rentre avec une justesse insolente dans l'histoire d'origine : on retrouve des personnages, on en découvre d'autres (mention spéciale à papa et maman D), des événements, des paroles parfois sibyllines du comics d'alors prennent du sens, de la profondeur. On retrouve la personnalité complexe et complexée de Dream, inaltérée. Et finalement, la dernière page tournée, on se dit que décidément, Neil Gaiman concoit son œuvre comme Destiny voit son livre : "Destiny see things as they are, not as we would wish them to be. He knows there are no stories, only the illusion of stories: threads and patterns that seem to appear in the pages of existence, givent meaning and significance by the observer."
Chapeau bas Maestro.