Il faut se retrouver avant de changer

Bon, je ne suis pas aussi enthousiaste que la personne qui a complimenté l'auteure sur la 4ème de couverture du bouquin, mais c'est quand même une bonne BD.


À la fin, l'auteure explique son procédé créatif : elle a dessiné sa bd dans une sorte de transe, ses souvenirs dans chacun de ses alters ne revenant que très vite, elle a dû dessiner sa BD très vite, souvenir par souvenir, puis a découpé ses cases et les a recollées dans l'ordre pour qu'il n'y ait pas trop de trous dans la narration. Malgré tout elle a gardé une chronologie perturbée.


Le récit est globalement intéressant. Mais l'un des soucis, c'est que la BD ne parle pas que du trouble de dissociation du personnage/de l'auteure, on adopte également le point de vue d'un psy qui a la particularité d'être mauvais. Pour quiconque a un peu lu au sujet de la psychanalyse, c'en est assez frustrant, car le psy ne CROIT pas Emma/Ed/Katina et le lui dit souvent. Quelle absurdité. De plus, le mauvais transfert a l'air de se faire davantage de son côté que du patient.e, parce qu'il s'énerve très souvent, lui en veut, répond à ses demandes d'amitié... bref, il ne sait pas garder sa place de psychanalyste et aurait besoin lui-même de consulter je pense (du moins d'après la représentation qu'en fait l'auteure). C'est en soi intéressant mais ça pollue le récit de Emma, surtout que le psy (et conc l'auteur qui a fait le choix de ne pas ellipser) décide de laisser planer le mystère trèèèèès longtemps... et ainsi on peut dire qu'au moins 300 pages du bouquins servent à dire que le psy ne croit pas Emma. Et c'est long. Parce qu'on voudrait que ça avance, toucher à d'autres thèmes, développer les séances et l'évolution. Du coup, la partie où Emma évolue enfin se fait en à peine 100 pages vers la fin et le dernier psy n'a même pas droit à 50 pages je crois. C'est un peu dommage. Donc le récit aurait pu être mieux structuré, pas forcément plus court, parce que ce qu'on aurait supprimé de mauvaise thérapie, on l'aurait gagné en guérison. Autre embarras, le fait que le récit ne se déroule pas dans l'ordre chronogique : n'ayant que très peu de repères, on peine parfois à savoir quand se situe telle scène par rapport aux autres (ben oui, les 4/5 du bouquin consistent en un champ-contrechamp du psy et de la patiente, toujours au même endroit), et au début on a même droit à un jeu de point de vue où l'on revient en arrière, lors d'une absence, pour découvrir ce que l'alter a fait. Bonne idée en soi, mais exécutée de la sorte, ça rend la lecture confuse, j'ai dû revenir en arrière pour mieux comprendre, personnellement. Le récit est donc un peu brouillon, pas bien structuré. Mais aide a bien comprendre ce qu 'est un TDI et le parcours opéré par Emma reste assez plaisant.


Le graphisme n'est pas génial. Emma Grove aurait travaillé chez Disney tant qu'elle pouvait y faire du dessin sur papier mais aurait quitté le studio quand on lui a imposé le dessin numérique, je n'ai malheureusement pas trouvé de trace à ce sujet, j'ignore quel poste elle pouvait bien avoir (peut-être que je devrais refaire les recherches avec son nom masculin?) ; on sent une maîtrise dans les attitudes, mais le dessin reste parfois un peu moyen sans doute à cause du processus créatif (dessiner le pus vite possible - elle aurait quand même pu redessiner correctement ?) ; le plus déstabilisant, ce sont les personnages qui se ressemblent beaucoup trop rendant le début parfois un peu difficile à appréhender (et puis le gosse qui a la même coupe de cheveux que Toby, c'est bizarre) ; Toby paraît parfois minuscule, j'ignore si c'est volontaire, mais dans certaines cases il a carrément l'air d'un enfant. Le minimalisme fonctionne, malgré un découpage très limité en terme de variations de plan. Parfois un effet d'arrière plan est créé avec un feutre plus fin, ça ne fonctionne pas super bien. Les personnages sont très expressifs, voire trop, ça choque surtout avec Toby qui a l'air d'une caricature et dont les expressions changent du tac au tac, toujours dans l'excès ; l'avantage c'est que ça indique bien les intentions de l'auteure, on sait directement à quoi pense Toby. Le texte n'est jamais trop envahissant, je crois qu'il n'y a jamais plus de 3 lignes de texte dans un phylactère, ce qui rend la lecture très facile et rapide. Le dessin est donc un peu maladroit mais l'on perçoit tout de même certaines qualités.


Bref, c'est une brique à lire, mais ça se lit bien ; dommage pour la structure et le dessin pas toujours maitrisés, mais je reste curieux de découvrir un prochain album.

Fatpooper
7
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le 15 juil. 2024

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