Aux oubliettes !
Rassurez-moi, c'est une blague ? Cet album est très mal construit, les dessins sont laids, la dénonciation de l'URSS, pourtant juste sur le fond, est ici caricaturale, et le récit est tout sauf...
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le 22 juin 2011
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BD franco-belge de Georges Remi (Hergé) (1930)
Rassurez-moi, c'est une blague ?
Cet album est très mal construit, les dessins sont laids, la dénonciation de l'URSS, pourtant juste sur le fond, est ici caricaturale, et le récit est tout sauf crédible.
Commençons par cela : le personnage de Tintin, tout d'abord, est en construction, à la fois extrêmement naïf et en même temps terriblement astucieux, ce qui est un peu contradictoire. Ensuite, son personnage, et les gags présentés ne sont absolument pas crédibles.
Les nombreux gags de l'album sont pitoyables, par exemple, après avoir énervé un gars, Tintin le fait courir pour qu'il souffle ce qui lui permet de regonfler un pneu crevé ! Plus loin, il est emprisonné dans une cellule où se trouve un scaphandre, qui lui permettra de s'échapper, par la rivière passant derrière le mur de la cellule qu'il arrivera facilement à détruire... Tintin arrive à faire peur à des méchants communistes en étant simplement déguisé en fantôme ; il parvient à couper un arbre avec un canif et à faire voler un avion avec une hélice en bois ; une autre fois, Tintin essaie de s'endormir dans l'eau d'un égout mais ne comprend pas pourquoi il n'y arrive pas, alors, coincé par une grille, il ne fait pas marche arrière, mais n'arrivant pas à pousser la grille, il commence son testament et c'est seulement en éternuant que la grille saute et qu'il s'échappe! Quelle manque d'imagination ! Ou alors quelle audace, mais même au second ou troisième degré, ça reste pathétiquement nullissime.
Ensuite, Hergé veut dénoncer l'URSS mais il le fait de façon tellement caricaturale qu'on n'arrive pas vraiment à y croire, même si ce qu'il dénonce était globalement vrai :
oui, en URSS, les élections étaient truquées, oui, on y torturait et on assassinait les opposants, oui, le pays était parfois en situation pénurie, oui, le pays s'est attaqué aux koulaks.
Mais si la critique de l'URSS est juste, elle est terriblement maladroite manifestant l'anticommunisme primaire d'un homme qui ne s'était pas rendu en URSS et se basait uniquement sur des témoignages indirects, bien que non dénués de fondement. Quelques exemples, qu'on pourrait multiplier : dans cet album, en URSS, les usines fument, mais ne sont qu'un décor derrière lequel on brûle de la paille pour simuler la fumée des cheminées et faire croire à la puissance industrielle du pays ; Moscou est décrite comme un « bourbier infect » avec de nombreux pauvres et mendiants, ce qui est pour le moins très exagéré ; la plupart des Soviétiques présentés sont des agents sans scrupules de la guépéou aux mines patibulaires et dont le seul but est de faire la peau à Tintin. Le propos manque de finesse et de réalisme, ce qui décrédibilise complètement le fond, pourtant juste. Il n'était peut-être pas évident pour tout le monde à l'époque que l'URSS était un régime totalitaire, beaucoup d'intellectuels étaient alors compagnons de route du parti communiste, mais ce qui est certain, c'est que ce n'est pas avec ce type d'album qu'Hergé aurait pu faire changer d'avis un seul partisan de l'URSS !
A noter tout de même quelques passages où on pressent le talent d'Hergé sur le plan de l'écriture, ainsi que son humour, par exemple quand Tintin démonte toute la voiture avant de s'apercevoir que ce n'était qu'un pneu crevé. Mais c'est vraiment de très rares exception dans un océan de médiocrité.
Je ne comprends pas comment on peut apprécier une « œuvre » aussi ratée : ce n'est pas parce que c'est une des premières réalisations d'Hergé, ce n'est pas parce qu'il dénonçait, avec raison, le caractère néfaste de l'URSS, qu'il faut nécessairement encenser ou s'extasier devant cet album qui n'en était pas un au départ, qui n'était qu'un vulgaire feuilleton paru dans un journal, et dont Hergé avait lui-même refusé la publication par la suite !
Pour moi, cet album est donc du grand n'importe quoi, qui aurait mérité de rester aux oubliettes de l'histoire tant c'est mauvais, même si son auteur, Hergé, a par la suite fait preuve d'un talent incontestable, quoiqu'on puisse penser de ses idées, ou de son parcours idéologique.
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le 22 juin 2011
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