En novembre dernier, Yoshitoki Oima débutait une nouvelle série au Japon. Quelques cinq mois plus tard, le premier volume arrive en France ! Que nous réserve-t-il ?


Changement.s dans la continuité


Comme pour sa série précédente, ce nouveau manga de Yoshitoki Oima a un titre en anglais ainsi que Pika l'a expliqué dernièrement. En revanche, un changement d'univers s'observe : il n'est plus question d'école, de pardon... To Your Eternity se passe certes sur une Terre mais à une époque indéterminée et fait la part belle au fantastique.


En effet, le personnage principal n'est pas un être humain mais une sphère immortelle envoyée sur Terre, on ne sait par qui. Cette personne observe le devenir de la sphère et à ce titre nous occupons la même place qu'elle. La sphère est nue au départ : elle ne parle pas, tout ce qu'elle peut faire c'est observer et se transformer en ce qu'elle voit. On peut alors conjecturer que la sphère va apprendre au contact des êtres qu'elle rencontre, ses transformations lui permettant de développer des facultés. Une manière de rejouer l'histoire de la vie ?


Cette sphère qui n'a pas de nom modifie les ressorts narratifs. Comme elle ne parle pas, le récit avance, côté dialogue, par le narrateur (celui ou celle qui a lâché la sphère sur Terre) et les dialogues entre les personnages croisés par la sphère. Ce mutisme n'est pas sans rappeler l'héroïne de A Silent Voice, Shoko. On peut dire qu'ici Yohitoki Oima radicalise cette idée (du moins pour le début de la série), la sphère rendant avec plus de force l'impression que nous avions au sujet de Shoko qui semblait être une extraterrestre.


Passage de témoin


Le manga démarre avec un long premier chapitre qui figure parmi les plus percutants que j'ai pu lire. D'abord il y a le paysage enneigé d'où du blanc en quantité, un blanc bien utilisé, à l'instar de ce que peut faire, dans un registre graphique bien différent, Tsutomu Nihei dans Knights of Sidonia. Ensuite il y a la manière dont l'auteur rend la solitude du jeune garçon croisé par la sphère. Cette dernière a en effet pris la forme d'un loup et va passer du temps avec un garçon qui vit seul.


Par les silences, les expressions de ce personnage (ou celles que l'on devine), ses gestes, paroles, dialogues factices, sourires, les échanges de regard... nous sommes touchés, page après page. Car ce garçon plein de bonne volonté étouffe au fond de lui une solitude dévorante. Il fait tout pour la combattre, pour ne pas oublier ceux qui sont partis. Il a mal mais ne le dit pas. Sa douleur reste muette.


Á partir du chapitre 2, une intrigue plus longue se déroule, mais qui reste dans le fil de ce qui a été dit dans le premier. L'environnement change, la population aussi et la sphère qui a pris la forme du jeune garçon va croiser la route d'une jeune fille, March, qui doit être sacrifiée au seigneur ours Oniguma. C'est la tradition. Une logique sacrificielle que la petite March, véritable boule de vie qui rêve de devenir adulte a du mal à comprendre. Elle n'est pas la seule. Comme disait Max Weber : la tradition c’est ce qui ne se justifie pas autrement que par le fait d’avoir toujours été fait ainsi...


La rencontre entre March et la sphère sera déterminante pour la suite. Notamment parce que March va essayer de lui apprendre quelques "trucs". Néanmoins, comme la petite fille a faussé compagnie aux personnes qui doivent la conduire à l'autel du sacrifice elle sera rapidement retrouvée et devra acquitter sa tâche...


Considérations graphiques et physiques


Côté graphismes, Yoshitoki Oima reste fidèle à ce qu'elle a pu produire avant. Son trait reste fin, les personnages sont suffisamment détaillés pour que l'on puisse lire leur état d'esprit rien qu'en les regardant, limite on pourrait se passer des dialogues. Le rendu des animaux est similaire à celui des êtres humains : sans trop entrer dans les détails, on les identifie sans difficulté. Les paysages sont bien rendus, notamment tout ce qui concerne la végétation, les arbres.


Du côté de l'édition française la traduction de Thibaud Desbief rend très bien la couleur des propos des personnages, ces moments où l'on sent que la voix tremble quand les mots sont prononcés, qu'un sanglot est étouffé ou non... L'adaptation graphique permet de bien se représenter le volume sonore des propos tenus par les personnages. Le volume se manipule sans problème.


L'existence est un mouvement perpétuel


Porté par un excellent premier chapitre, To Your Eternity démarre sous les meilleurs auspices en posant des bases solides pour la suite de la série. Avec son héros peu ordinaire qui devrait faire l'apprentissage de la vie, se construire, évoluer sans forcément se transformer Yoshitoki Oima nous invite à un voyage dont on ne connaît pas le terme et c'est tant mieux !


Une version plus longue et illustrée peut être consultée ici.

Anvil
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le 19 avr. 2017

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