Touch
7.9
Touch

Manga de Mitsuru Adachi (1981)

Attention où vous mettez les doigts malheureux, c’est une idole que vous tenez entre les mains. Paraît-il du moins. Touch se trouve être rien moins qu’un des mangas comptant parmi les mieux vendus au monde – tout particulièrement au Japon – en étant en plus retenu parmi les plus appréciés du public Japonais. Et malgré ça, le public français, dans son ensemble, ne le connaît au mieux que de nom. Une histoire de Baseball qui prend l’ombrage d’un triangle amoureux adolescent, il n’y a en principe rien de mieux pour indisposer un lecteur de mon acabit. Et pourtant...


Et pourtant, la narration coule paisiblement du fait de la construction méthodique d’un récit plaisant. Les dessins, bien que propres à leur auteur, sont assez enfantins et mignon, bien que suffisamment fonctionnels pour qu’on n’ait trop rien à leur reprocher. Les personnages, quant à eux, ne sont même pas superficiels, et s’ils nous sont parfois insupportables, ce n’est que parce qu’ils sont criants de réalisme. Il y a une véritable douceur de vivre dans ces planches qui, en aucune occasion, ne se pare des oripeaux peu reluisants du drame à pas cher.


Touch a parfois des airs de Ashita no Joe arrivé dix ans trop tard et dont le drame aurait été substitué au profit d’une amourette mièvre. D’autant que ça traîne à ses débuts sans vraiment prendre de direction en particulier, si bien qu’on regarde passer les cases comme des bovins regarderaient passer le train. Les chapitres sont remarquablement mal découpés en ce sens où la fin de chacun d’entre eux tombe abruptement sans porter de conclusion. On croirait chaque fois qu’une ou deux pages nous attend en supplément pour mieux terminer ce qui n’a pas été achevé… mais cela s’arrête sans trop avoir cherché à aboutir.


Quant au baseball… n’étant déjà pas un aficionado de la discipline, je n’en ai retiré que peu de choses ici. Il va de soi qu’on ne peut pas demander un One Outs à tous les étages, mais un néophyte du milieu peinera à y trouver sa place en tant que lecteur. Et sans doute est-ce là une des barrières les plus impénétrables qui empêche le lectorat français de s’y faire… nous lisons un manga sur un sport qui nous est parfaitement étranger et qu’on ne s’embarrasse à nous décrire ici même. C’est à croire qu’on ne veut pas de nous.


Touch ? C’est propre, ça sent bon, mais ça ne fait pas envie pour autant. On nous épargne le drame à pas cher, mais on n’y met rien à la place. Les plus lyriques diront que c’est là un spectacle des plus naturalistes, où le simple et le beau, enrobés dans un cocon naturel magnifiquement présenté par la narration, nous rapportent les choses de la vie avec pudeur. Étant pour ma part un gros con mal dégrossi, je me contenterai de dire que j’ai trouvé ça soporifique à souhait. Habilement présenté, tout en nuance et en légèreté ; soporifique cependant.


L’amour qui se construit ici y est infiniment mieux élaboré qu’il ne peut l’être dans le premier Shôjo qui passe. La chose est entendue. Il y a en effet une réelle pudeur dans l’écriture qui, le long des planches, glisse tout en finesse et en simplicité, mais on n’y sera que vraiment réceptif à condition d’avoir été jeune à cette époque. L’amour porté à Touch par le public japonais, sans l’ombre d’un doute, émane effectivement d’un lectorat qui fut collégien ou lycéen durant ses années de parution, expliquant alors leur affection persistante du fait qu’ils étaient ces jeunes des années 1980, nourrissant dès lors une nostalgie de plusieurs décennies. Qu’on se le dise, la renommée de Touch mourra avec ceux qui constituèrent son lectorat contemporain d'alors. L’œuvre n’a aucune assise véritable pour trôner dans un quelconque Panthéon.


J’ai le sentiment de relire le même volume en boucle sur vingt-six tomes. Y’a aucune intensité. C’est une Escale à Yokohama estudiantine et sans chute à l’arrivée. Les matchs sont peut-être palpitants pour des fans de baseball de l’époque, mais passeront très facilement à côté d’un lecteur étranger aux choses de ce sport. Rookies savait être autrement plus prenant dans ce contexte.


L’histoire d’amour qui s’agrège au tout a le mérite de ne pas être envahissante, mais elle ne mène pas à grand-chose et traîne pour le plaisir de prolonger le supplice. C’est à se demander si l’auteur n’a pas cherché à fusionner un Shônen correct et un Shôjo convenable pour tenter de nous offrir un entre deux susceptible de toucher plusieurs lectorats. C’est peut-être ça sa force, de pouvoir plaire autant à un public masculin que féminin.


La propreté de la narration, après qu’on s’en soit imprégné sur plus de dix volumes, commence à nous apparaître glacée. Elle n’a pas changé, mais à force de nous y confronter, ses attributs nous frappent pour ce qu’ils sont, à savoir des articulations mornes et sèches mais peintes en rose pour les rendre moins oppressants. Oui, il y a quelque chose de mécanique dans ce récit dont on nous dit qu’il a du cœur.


Du fait que rien ne se renouvelle vraiment, que tout se perpétue en douceur, sans remous et sans éclat, j’ai finalement peu de choses à en dire ; Touch est plat sans être fait de platitudes. Certains se laisseront porter par la quiétude d’un récit apaisant et langoureux, à la manière dont on entre en état d’hypothermie. Beaucoup trouveront cependant matière à bâiller jusqu’à s’en luxer la mâchoire.

La mort de Kazuya est une sacrée surprise et l’émotion, là encore, s’accomplit tout en pudeur. Mais, de ce genre de ressort narratif, je m’en défie toujours de peur que ce soit justement orchestré comme un bête tire-larme étiré par le deuil qui y fera suite.

Qu’on me lise : j’ai très peu de reproches à faire à Touch. L’œuvre est complète, mais elle est tiède. Je pense – très sincèrement – que nonobstant le baseball, l’œuvre s’adresse finalement plus volontiers à un public féminin. Oui, on peut dire de Touch que, s’il est un Shônen qui manque de souffle – mais qui outrepasse de très loin ce qui se fait aujourd’hui – il aura su se concevoir comme un Shôjo de bonne facture. Son magazine de publication n’était finalement pas le plus idoine pour s’y épanouir.


En reconnaissant les qualités objectives de l’œuvre, je fus contrains d’admettre – bien penaud – que si elle a tout pour elle, elle n’a rien pour moi. Il s’en trouvera pour s’y laisser prendre parmi ma génération et celle qui lui succède, mais relativement peu. Touch, qui était un manga très populaire, destiné au plus large public qui soit, en France, aujourd’hui, ne se destinera guère qu’à un public de niche. Que les plus hardis s’essayent au premier tome, le reste étant du même tonneau, ils sauront exactement à quoi s’en tenir. L’œuvre, en effet, tient ses promesses d’un bout à l’autre. Mais à mes yeux, ses promesses n’avaient rien de foncièrement engageantes. Rien qui ne le fut suffisamment pour me permettre d’apprécier la balade.

Josselin-B
5
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le 7 juin 2024

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Josselin Bigaut

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