Chabouté annonce la couleur dès la première page, le propos de Tout seul est l'imagination, sa force et son caractère vital.
Le personnage au centre du récit est un homme atteint d'une maladie source de malformations. Il est né dans un phare, lui-même juché sur un îlot rocheux en pleine mer. Après avoir vécu quelques années avec ses parents, qui se sont bien gardés de le montrer, ces derniers meurent et une vie solitaire s'impose à lui. Il a pour seul contact avec l'extérieur, avec la société, un pêcheur qui dépose des caisses de ravitaillement chaque semaine, à la demande du défunt père.
Ses occupations sont assez sommaires : la pêche et la lecture. Pas n'importe quelle lecture : un dictionnaire. Chaque soir, dans un processus routinier, il lit au hasard des définitions de mots qui lui ouvrent les portes de la rêverie : centaure, bataille, papillon, Neil Armstrong... Son ignorance donne lieu à des images surréalistes (qui donnent lieu à de bonnes poilades) lorsqu'il tombe sur des formules figurées, mais montre aussi les limites de l'exercice.
Pour ce qui est de la forme, le dessin est magnifique, un noir et blanc précis dans des plans délicats et très cinématographiques.
A travers cette BD, Chabouté offre une fable humaniste qui rappelle fortement Elephant man. Bien que le personnage ait un aspect monstrueux et qui par conséquent reste en marge, il reste un être humain, et l'est parfois plus que d'autres. Il nous mon(s)tre un homme fragile, conscient de sa condition, pour qui l'horizon est la limite infranchissable de sa curiosité, mais c'est sans compter une aide extérieure et providentielle.