Masako Yoshi est un cas extrêmement atypique sur le marché français. Sa carrière débute dans les années 80, elle ne possède pas un nom ayant marqué l’histoire de son médium, et aucun de ses titres ne fût adapté en anime ; ou si ce fût le cas, il ne bénéficia d’aucune diffusion française. En un mot comme en cent : il s’agit d’une illustre inconnue, qui en temps normal n’aurait jamais pu parvenir jusqu’à nous. Sa publication par Black Box tient donc du miracle, et sans doute en grande partie au fait qu’il soit possible d’acquérir ses anciennes licences sans passer par un éditeur japonais, situation souvent et paradoxalement rédhibitoire pour un débutant étranger.


Ainsi, non seulement Black Box inaugura sa collection manga avec cette mangaka, mais ils ont publié plusieurs de ces séries. Je ne m’en plains certainement pas (même si un titre me reste à découvrir). En effet, les séries de Masako Yoshi appartiennent à une catégorie rare : les comédies romantiques des années 80. Un genre presque à part entière, très peu présent en langue française, fait de mimiques passées de mode – idéales pour désamorcer une situation compliquée – ainsi que d’une ambiance bon enfant, nostalgique et gentiment rétro, assez unique et que nous ne retrouvons plus dans la production actuelle. Ces manga représentent magnifiquement ces qualités, et s’il parait évident qu’une surabondance deviendrait lassante, la question ne se pose pas dans la mesure où Black Box s’impose comme le seul éditeur restant sur ce segment extrêmement spécifique ; ce qui le rend incontournable pour tout amateur du genre, dont je fais parti.


Ceci étant dit, je n’ai pas que des compliments à faire à Très Cher Mozart. Avant tout car il y a tromperie sur la marchandise.
Le synopsis officiel est le suivant : « Inoue est un jeune étudiant dont la passion secrète est le violoncelle. Un soir de beuverie, il s’écroule devant un café un peu spécial dont les clients sont tous fans de musique et font partie de l’orchestre de la ville. Ils lui proposent immédiatement d’intégrer l’orchestre mais Inoue a un souci : il n’a pas appris le solfège ! Il a envie cependant de progresser, surtout pour la jolie Tamoto. Mais apparemment, elle est déjà amoureuse. Alors comment attirer son attention ? »
Et voici l’accroche, elle aussi officielle : « Un nouveau Masako Yoshi, c’est toujours un nouveau petit moment de bonheur. Comme à son habitude, elle parvient à créer une ambiance unique, à la fois mélancolique et emplie de tendresse. Si vous aimez les comédies sentimentales dans le plus pur style années 80, alors ce manga est fait pour vous. »


A la lecture de cette présentation, et compte tenu de la longueur du titre, je m’attendais à lire une série en un tome intitulée Très Cher Mozart, parlant d’amour sur fond de musique classique.
Pour l’amour et la musique classique, pas de soucis. Mais au bout de 65 pages, alors le scénario semblait décoller, la mangaka y met un point final et le volume enchaine par un autre récit. Oui, Très Cher Mozart est en réalité un recueil d’histoires courtes – trois, pour être précis – dont seule la première porte ce nom. Aucune d’entre elles n’est foncièrement mauvaise, mais il s’agit d’un exercice de style bien particulier ; chacune ne durant qu’une soixantaine de pages, cela limite forcément ce que les possibilités de la mangaka.


La première histoire, Très Cher Mozart, raconte comment Inoue rejoint par hasard un quatuor à cordes en tant que violoncelliste, avant tout pour être auprès de la belle Tamoto. Malheureusement, son apprentissage de l’instrument en dilettante fait qu’il connait mal le solfège, et la belle est déjà amoureuse d’un autre. La particularité du récit tient dans le cadre, celui de la musique classique, et le fait qu’il s’agisse de personnages de jeunes adultes. Pour le reste, c’est tendre, prévisible mais charmant, et servi par le trait toujours aussi agréable de l’auteur.
La seconde, Ciel Larmoyant, nous propose de suivre Yui, collégienne populaire habituée à rejeter ses prétendants, mais elle-même faite repoussée par Yano, dont elle est amoureuse. En voyage avec ses amies, elle tombe sur un groupe de garçons dans lequel figure justement ce-dernier, ce qui provoque une situation compliquée. Nous retrouvons cette fois des adolescents, et l’auteur s’intéresse non seulement à la romance mais aussi à l’image d’elle-même qu’essaye de projeter l’héroïne. Pour le reste, c’est du classique.
Enfin, la troisième s’intitule Sombres Matins. Je ne peux pas trop en dire sur son synopsis, donc je me contenterai d’évoquer un ton adulte, et quelques thématiques sans doute rares dans les comédies romantiques de l’époque, comme le fait que l’héroïne ait vécu sous le même toit qu’un homme hors mariage, ce qui semble effectivement choquer un des protagonistes. Les mimiques sont sans doute les plus réussies de l’album, mais le personnage principal féminin s’avère peu attachant.


Chaque récit est globalement réussi ; le dernier sans doute un peu moins que les autres, même s’il dispose d’atouts à faire valoir. Dans tous les cas, nous retrouvons le talent de Masako Yoshi pour nous narrer des petites aventures du quotidien, avec des protagonistes très humains et une authentique joie de vivre, qui rendent le tout extrêmement plaisant à suivre. Néanmoins, le format d’histoires courtes, s’il permet de multiplier les situations, n’offre pas la possibilité de développer ces aventures plus avant.
Je ne peux que vous recommandez chaudement de découvrir cette mangaka, mais Très Cher Mozart n’offre qu’un bref aperçu de son travail. Lui-aussi en un seul tome, Du Haut de Mon Monde propose un récit complet, représentatif de ses qualités et de son genre de prédilection, et de fait une bien meilleure porte d’entrée dans son univers. Mais si vous appréciez déjà l’auteur, vous ne serez sans doute pas déçu par ce recueil, même s’il n’en demeure pas moins dispensable.


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Ninesisters
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le 26 avr. 2015

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