Trigun
7.1
Trigun

Manga de Yasuhiro Nightow (1995)

Trois flingues, trois tomes ; trois fois rien.

Saint Seiya, Sailor Moon, L’Attaque des Titans sont autant de titres qui, sans leur adaptation animée, ne seraient jamais parvenus à accéder à un semblant de postérité. En tout cas pas à l’internationale. Le portage sur écran, chaque fois, magnifiait le dessin, garnissait ce dernier d’une ambiance grâce aux tons, aux coloris et la musique, pour finalement le doter d’une aura usurpée. Je considère qu’adapter, c’est trahir. Seulement parfois, on trahit à propos.


Trigun, c’est du manga dont on va parler ici, de ce même manga dont chacun ayant eu un jour un pied dans la décennie 1990 ne se souviendra que pour sa version animée. Et sans que celle-ci, cependant, ne leur laisse un souvenir impérissable. Je vous parle d’une adaptation animée qui aura été oubliée de la plupart, et pour de bonnes raisons ; cela, je me plais à le croire d’autant plus volontiers après avoir été spectateur du manga comme de l’anime.


L’œuvre aura exercé sa modeste influence alors qu’on peine à ne pas voir qu’Alucard, a comme emprunté son style quelque part. Ici, par exemple. Il paraît même que Boichi serait quant à lui un inconditionnel de Trigun. Avec de pareilles sources d’inspiration, je me réjouis qu’il prête sa plume à des scénaristes quelque peu plus sagaces pour ce qui se rapporte à l’écriture. Car non, Trigun, ça n’est pas bien fameux.


« Mais n’y aurait-il pas, dans ses pages, un semblant de créativité audacieuse qui laisse à croire que l’œuvre puisse marquer ? »


Trigun ne marque son lecteur qu’en provoquant chez lui un bâillement ou un soupir consterné. On pourra s’essayer à toutes les recontextualisations du monde, rien n’y fera ; même pour l’époque, le présent manga était à la traîne de tout. Dessin, écriture, inventivité, audace… il n’y a rien de tout ça. Pareil aux œuvres citées en introduction de cette critique, Trigun est un rescapé de l’oubli, sauvé par une adaptation animée à peu près convenable – et c’est faire preuve de mansuétude qu’écrire cela – pour finalement subsister dans les esprits sans jamais avoir accompli quoi que ce soit qui mérita qu’on le retienne.


Vash the Stampede serait donc recherché pour soixante milliards. Je pense que l’inflation est en cause, car sur cette tête-ci, j’y risquerais pas dix euros. Je préférerais plutôt y miser mes paumes, car c’est une tête à claque particulièrement agaçante que ce protagoniste-ci. Niaiseux, à rire innocemment pour devenir sérieux quand la situation l’exige car tout de même… ce serait un rebelle doublé d’un héros… Vash a tout d’un Ryo Saeba, excepté ce qui faisait de ce dernier un personnage attachant et sympathique. Ses sourires sont aussi faux que ses froncements de sourcils, jamais il ne trouve le moyen d’être crédible que ce soit dans ses rires ou dans ses ires. Il occupe un rôle de composition, celui de ce paladin au grand cœur, mais au cœur lourd d’avoir un passé si sombre. Supposément du moins ; c’est ce que la narration voudrait nous transmettre.


Les influences ? On voit bien que Yasuhiro Nightow – c’est un pseudonyme – a pioché maladroitement et sans trop regarder à ce dont il se saisissait du côté de chez Gunmm pour tout ce qui touche à la mécanique/cyborg et Hokuto no Ken pour l’environnement ambiant. Deux œuvres qui, une génération d’auteurs plus tôt que celle à laquelle appartient celui-ci, ravissaient les critiques chez Seinens et Shônens. Aurais-je le culot de prétendre que l’auteur a cherché à se revendiquer de ce dont le lectorat raffolait il y a peu en espérant faire sa renommée sur celle des autres ? Je n’ai pas de preuves, que des suspicions… mais il ne m’en faut pas plus pour condamner.


Vous lirez alors du western post-apo dont l’univers, jamais approfondi - pas même en surface – sera simplement prétexte à faire foisonner les criminels sans foi ni loi afin de justifier que l’on châtia les vilains. Trigun a dû servir d’inspiration à The Arms Peddler, à moins que les deux aient justement eu en commun de ne pas trouver de source d’inspiration à même d’impulser un rien d’intérêt pour aboutir à la même fausse-couche.


Une fausse couche hideuse alors que le dessin de Trigun est aussi niais que son personnage. Brouillon quand il cherche à faire « classe » avec les effets de style qui saturent les pages d’être trop garnis, minimaliste non pas par parti-pris mais par fainéantise le reste du temps, les esquisses sont celles d’un Rurouni Kenshin (paru un an plus tôt) dont les traits auraient été gommés pour la plupart afin qu’on ne retienne que les contours rudimentaires. La forme de l’œuvre ne ment pas, puisqu’elle en préfigure le fond. Le fond… c’est le mot juste.


Vash, à faire le guignol au-dessus de tout, se riant de ses ennemis qu’il tourne en ridicule au milieu de ses pitreries bouffonnes et insupportable de ce qu’elles ont d’humour loupé – mais à chaque fois – trouve le moyen d’être insupportable au lecteur tout en se voulant en plus rendu basiquement invulnérable par l’intrigue.


Tout y est bruyant, lourdingue, pas une page ne nous suggère une autre émotion que l’ennui agacé de voir tout ce beau monde s’agiter pour ne rien faire. Les combats y sont fouillis, inintéressants et d’autant plus dispensables qu’on les sait toujours gagnés d’avance. Le sentiment de détresse pour le héros ? La notion d’adversité ? Il gagne avant même d’avoir sorti son arme l’homme-là, ça se sent, ça se sait, et cela nous conduit à refermer ce qu’on lit.


Des intrigues cucul la praline ici et là, les gentils très gentils, les méchants très méchants – mais tous étant évidemment mal écrits pour les mettre sur un pied d’égalité – il n’y a rien pour rattraper la sauce qui rancit mieux de seconde en seconde. Trigun a peut-être sa fin pour lui cependant.

Rien d’exceptionnel, mais pas une de ces fins qui se terminent sur un sourire et la promesse d’un lendemain meilleur. Vash meurt – supposément puisqu’il y aura une suite venue évidemment saloper la conclusion – et on nous annonce que deux ans après son sacrifice, tout le monde a oublié ses œuvres. Ça, j’aime. Même si ce fut prestement amené, un peu à la manière d’une série qui se sera heurtée prématurément à sa fin de publication.

Chaque fois que je serais tenté de m’écrier « C’était mieux avant », libre aux lecteurs de cette critique de me la remettre sous le nez afin de tempérer certaines de mes impétuosités mélancoliques. Qui ne sont cependant pas dépourvues d’arguments.

Lire Trigun, c’est souffrir pour avoir l’occasion de se rattraper sur un Desert Punk ; un manga lui aussi post-apo-techno-indus-western (je labellise) qui, en ce qui le concerne, n’a cependant que des qualités à proposer. Passer de l’un à l’autre, c’est mieux voir ce qui, dans ma notation, sépare un 2 d’un 10. Passez par quelques paliers de décompression avant d’y arriver, le changement de qualité pourrait rendre fou.

Josselin-B
2
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le 15 sept. 2024

Critique lue 199 fois

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Josselin Bigaut

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