Trinité a plutôt mauvaise presse. Disons que ce n'est pas l'album dont les fans de comics discutent passionnément, cherchant à décrypter les détails de chaque case, comme autant de micro-Graals habilement dissimulés. Trinité n'a pas cette prétention. Matt Wagner, à la fois dessinateur et scénariste de l'oeuvre, cherche juste à proposer du pur divertissement, mais un divertissement respectueux de son héritage. Alors qu'il travaillera quelques années plus tard sur quelques histoires situées chronologiquement au début de la carrière de Batman (« Le Moine fou » par exemple), Trinité explore déjà les premières années de l'univers DC en mettant en scène les trois plus grandes créations du célèbre éditeur: le Chevalier Noir, le dernier fils de Krypton et l'Amazone s'unissent effectivement pour la première fois afin de résoudre une crise dont ils ne pourraient venir à bout séparément (oui, même ce gros malin de Superman !).

Aucun des trois personnages ne vole la vedette aux autres: c'est sur un pied d'égalité que Matt Wagner explore ces trois univers si différents en tentant de rassembler en une histoire cohérente des éléments des trois mythologies. Et il y arrive plutôt bien. Là où on pouvait craindre une bouillie scénaristique, on se retrouve avec une histoire fort mouvementée qui nous fait voyager de Métropolis à Gotham City en n'hésitant pas à faire un petit détour par Themyscira, l'ile des Amazones, et d'autres endroits encore. La menace affrontée par nos trois héros n'a toutefois rien d'extraordinaire non plus, et je mentirais si je disais que j'ai été scotché par d'intenses révélations mystiques en parcourant les pages de Trinité. J'avais plutôt l'impression de me retrouver devant un épisode de James Bond avec Pierce Brosnan, du genre qui part un peu dans tous les sens, sans jamais pour autant proposer quelque chose de foncièrement original.

La prose de l'auteur réserve cependant quelques petites surprises. Assez plan-plan la plupart du temps, quelques éclairs de génie viennent frapper l'ensemble et révèlent brièvement des détails qui nous font paraitre Diana, Bruce et Clark sous un autre jour. Dommage que Batman connaisse également un ou deux moments d'égarement proche de la sociopathie, du genre « Je casse par pur plaisir la machoire d'un type que j'ai fini d'interroger ». Héritage Franck Miller, je veux bien, mais jamais le véritable Batman ferait une chose aussi... inutile ? Passons.

Le dessin. Hé bien, c'est pas franchement folichon. Pas mauvais mais beaucoup trop cartoon à mon goût. Si ce style convient assez bien à Superman et surtout à Wonder Woman, le Croisé Masqué, par contre, semble beaucoup moins imposant ici. On le croirait carrément sorti d'une version pour enfants, c'est dire ! D'ailleurs, les combats en deviennent parfois ridicules aussi. Wagner a même l'idée saugrenue de proposer une ou deux fois quelque chose de visuellement proche des bagarres d'Astérix. Les types qui bondissent en tous sens dans les airs dans une certaine case restera pour moi un grand moment de comédie involontaire...

Malgré tout, l'aventure proposée est assez longue et je ne me suis pas ennuyé une seule fois, c'est déjà bien plus que ce à quoi je pouvais m'attendre après les diverses critiques que j'avais entendues. Les vrais acharnés de Batman devraient y trouver un certain plaisir. J'espère donc revoir un jour une réédition de ce Trinité. La mienne, de Panini, est accompagnée d'une traduction française de qualité variable. Un exemple rigolo pour teminer: furieux comme un ado de 15 ans en pleine overdose d'hormones, Batman s’exclame: « Gotham, c'est MON turf ! ». Ton "turf" ? « Wesh, wesh, je suis Batsy et j'ai trop la classe quand je suis vénère ! ». Ha, ces super-héros...
Amrit
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le 30 juin 2013

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