UFO Robot Goldorak
6.7
UFO Robot Goldorak

Manga de Gô Nagai (1975)

Il existe plusieurs Go Nagai. D'un côté l'inventeur de licences populaires pour la télévision, essentiellement connu pour ses robots géants qui, paradoxalement, disposent d'un pilote (ce qui met à mal le concept même de robot), mais aussi pour des personnages tels que Devilman et Cutie Honey. De l'autre côté, il y a le Go Nagai mangaka, dont le premier titre à succès fit scandale en raison de son ton scabreux et grivois. Ton dont il ne se départira jamais, accompagné selon les séries d'une violence autant physique que psychologique, forcément édulcoré pour la télévision malgré un anime de Cutie Honey plutôt coquin, et que nous ne retrouvons vraiment que dans quelques OAV des années 80/90.
Autant dire que, pour le gamin élevé à Goldorak que j'étais, la lecture de Devilman représenta un choc dont je peine encore à me remettre.


Les particularités du bonhomme ne s'arrêtent pas là, entre une gestion hasardeuse de ses œuvres en dehors du Japon, ses projets multi-supports dont les manga apparaissent presque comme des produits dérivés, ou encore la création d'un studio autour de lui, faisant qu'il signe rarement les titres auxquels il est pourtant associé. Pour vous donner une idée, sur ses trois séries partiellement publiées en France avant que Black Box n'arrive à accéder à son catalogue via son éditeur italien, Go Nagai n'en avait vraiment écrit qu'une seule, de quoi frustrer les lecteurs.
Goldorak n'échappe pas à la règle, puisque le mangaka n'en a produit que 5 chapitres, un de ses assistants s'occupant de la série régulière. Ici, il sera bien question de la version de Go Nagai.


J'ai abordé ce tome en sachant pertinemment qu'il ne s'agissait que d'un extrait. Le début est expéditif, les deux derniers chapitres redondants puisque proposant tous deux un affrontement contre Great Mazinger, et le dernier transpose carrément un des moyen-métrages tirés de la licence (à moins que ce ne soit l'inverse). Pas de fin, une caractérisation très limitée des personnages, ce manga sera bien évidemment à réserver à ceux qui connaissent l'histoire, ce tome n'en reprenant finalement que des anecdotes.
Cela signifie-t-il, pour autant, que ce Goldorak ne présente aucun intérêt ? Non, et loin s'en faut.


Ce qui m'avait frappé, dans Devilman - qui reste, encore aujourd'hui, mon manga préféré - c'était sa noirceur, sa cruauté, et sa vision désabusée de l'humanité. Lors de sa conférence à Japan Expo, l'auteur avait expliqué que l'écriture de ce manga l'avait rendu à moitié fou, et fort de cette révélation, j'imaginais sottement qu'il s'agissait dans sa carrière d'une exception. Que nenni ! Contrairement à l'anime, ici, c'est la guerre, le malheur, la souffrance. Fini les rêves, le vent se lève, et l'avenir parait bien noir. Et par là, j'entends que Go Nagai ne cache rien, nous montre tout, et nous prouve que chaque nouvelle attaque provoque son lot de destructions et de morts. Non seulement ça, mais les antagonistes ne reculeront devant aucune bassesse si cela peut améliorer leurs chances de succès, ce qui les amène à recourir à des stratégies d'une horreur sans nom.


En cela, Goldorak est un titre qui dénote par rapport à la production actuelle, avec une violence crue, souvent plus morale que physique, aboutissant à nombre de scènes choquantes désormais inimaginables. Comme dans Devilman, Go Nagai dénonce la guerre et ses conséquences, et pour appuyer son propos, il n'épargne personne, et certainement pas son lecteur. Le dernier chapitre incarne le summum de ce traitement radical.
Seulement, n'est pas Devilman qui veut. Comme indiqué précédemment, ce manga ne dure que le temps de 5 chapitres, et ne prend guère le temps de développer son histoire, comme s'il avait été pensé d'entrée comme un simple bonus. Il s'agit donc d'un brouillon, d'une oeuvre incomplète qui certes impressionne, mais aux ambitions limitées et laissant un goût d'inachevé. Développé sur plusieurs tomes, avec une véritable trame, nous aurions obtenu un indispensable classique, et non une curiosité permettant de comparer le Go Nagai mangaka à ses adaptations pour la télévision.


Que dire d'autre ? L'artiste n'a jamais été un champion en matière de proportions des corps ou de visages - à l'instar de Masami Kurumada, auquel il ressemble énormément - et l'influence du catch sur les combats de robots n'aura jamais été autant visible. Difficile de reprocher son trait au mangaka, dans la mesure où la couverture annonce la couleur et que le lecteur entame donc ce volume en connaissance de cause. Par contre, ce que je ne m'explique pas, c'est le choix de recourir aux noms français. Black Box étant un éditeur indépendant, mal distribué, ses ouvrages ne se destinent pas au grand public qui pourrait être déstabilisé par les appelations d'origine. Si les versions papier de Saint Seiya ou Captain Tsubasa ont tiré un trait sur les noms français, pourquoi pas celle-ci ? Cela ne me parait ni pertinent ni justifié.


Voilà, je pense avoir fait le tour. Malgré ses grandes qualités, ce Goldorak n'est qu'un bonus pour ceux qui gardent un souvenir ému de l'anime ou qui, au moins, connaissent déjà l'histoire et ses protagonistes. Les autres n'y verront qu'un récit inachevé, voire bancal. Le potentiel était là, mais pas Go Nagai.

Ninesisters
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le 13 sept. 2015

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