Je comprends pourquoi 26 personnes avant moi, sur SensCritique, ont émis une note sans écrire de critique sur Ultimex : parce que Ultimex se passe de critique.
C'est la BD ultime qui file la pêche au petit matin, celle qui inspire des générations de mecs cools, celle où les blagues potaches et les répliques bien senties se mélangent tels les ingrédients de la potion magique.
Ultimex est un agent de courtage chez Smith&Wesson. C'est un homme grand, fort, immensément viril, cultivé ; il a du style, de l'argent, un œil à la place de la tête dont il n'aime pas qu'on se moque, et il fume d'innombrables cigarettes au fil d'une journée ponctuée de bagarres dans des endroits louches, de filles constamment en quête sensuelle de son corps d'athlète, de litres d'alcool fort ingérés sans ciller et autres délices qui font le piment de la vie de cet homme pas comme les autres.
Éternellement accompagné de son ami Steve, faire-valoir prodige à la sexualité ambigue, Ultimex évolue dans cette BD au gré d'un périple astucieux dans lequel il sera amené à rencontrer les nouveaux amis de son compagnon de toujours, une bande d'artistes bobo déclassés qui pensent refaire le monde à coups d'art alternatif, aigu, incompréhensible du public non avisé. On y découvrira le complot qui se trame et la manière, forcément musclée, dont Ultimex dénoue toute cette intrigue.
Le style de la BD peut faire peur au premier abord. C'est épuré, brouillon, on a l'impression d'avoir affaire à un dessinateur Jedi qui a eu envie de gribouiller comme un collégien. Et c'est la force de cette série complètement WTF : ces contours incertains et ce manque de couleurs, c'est avec la voracité d'un carnivore qu'on les ingurgite sitôt les premières pages passées, toujours en quête de la prochaine réplique mordante, ou des lois éthérées de la séduction hommes/femmes appliquées à ce héros inhumain dans tous les sens du terme.
L'histoire est salace, et bien ficelée, avec une fin magistrale dans l'esprit déjanté et pervers, mais avide de revanche, qui caractérise ce personnage qu'on déteste aimer (oui, je sais, comme Dr. House, sauf que Dr. House a une canne pour marcher, et qu'Ultimex a une canne pour crever les yeux de ce tout ce qui l'approche, ou pour s'essayer à quelques nouveaux trips au pieu pas franchement catholiques).
Pour faire court et efficace, donner sa chance à Ultimex, c'est se donner la chance de comprendre comment on peut faire plus grand, beau et fort que Chuck Norris.
Et c'est une occasion que je ne laisserais pas filer, si j'étais vous.