Pi
6.8
Pi

Film de Darren Aronofsky (1998)

Pi(le) poil au bon endroit, au bon moment

J'ai récemment eu la chance d'enrichir mes carnets amoureux d'un nouvel adultère : celui que je commets à chaque fois que je mate un vrai bon film.


Pi m'a été conseillé il y a quelques jours par un de mes meilleurs potes.


C'est sans doute le seul film qui mêle avec autant de brio plusieurs domaines pourtant fort peu connexes : mathématiques endiablées, frasques sexuelles d'une voisine dont on devine que sa libido est légendaire est variée telle un conte japonais, recherche du véritable nom de Dieu au fil de la relation qu'il tissera avec un amoureux de la Torah et, bien entendu : LE personnage schizoïde par excellence, Max Cohen, rendu complètement marteau par ces opaques séries de chiffres qui s'affichent en continu sur son ordinateur fétiche, Euclide. Max Cohen dont le génie mathématique en aura impressionné et appâté plus d'un, de la voisine de sept ans qui lui fera résoudre aussi vite que la calculatrice qu'elle trimbale de fastidieuses opérations arithmétiques, à la commerciale avide de pouvoir d'un vaste consortium boursier ayant des liens avec Wall Street.


Le génie n'étant rien sans la folie qui l'accompagne, Max souffre d'abominables épisodes de migraine, qui entrecoupent régulièrement ses calculs sur PC sauce tyrannosaure (les ordinateurs de l'époque occupaient la moitié de votre chambre sans que personne n'y voie rien d'anormal) et ses réflexions sur la présence d'une suite de Fibonacci dans la Kabbale juive. Épisodes migraineux qu'il soignera, tant bien que mal - ou plutôt plus mal que bien -, à renforts blindés d'analgésiques et injections intraveineuses de composés douteux en tout genre.


Le découpage des séquences du film, le choix des techniques de prise et la décision de tout filmer en noir et blanc : c'était le pari gagnant pour un réalisateur dont la principale ambition était, sans nul doute, de renforcer l'impression de claustrophobie d'un personnage prisonnier de la vitesse de ses pensées, de la monotonie de son quotidien (renforcée par la récurrence de certains plans rapprochés qui font le sel du film) et de l'intensité foudroyante de ses céphalées, mis en exergue par les commentaires réguliers de ce dernier dans son journal de bord, habilement lu en voix off. Je reproche volontiers au noir et blanc de rendre la lisibilité de certaines scènes plutôt douteuse, mais ce ne serait pas rendre justice à la cohérence de l'ensemble : j'ai maté un attachant psychopathe pendant une heure et demie et c'était convaincant.


A un bémol près, bien entendu : à savoir que quand on creuse trop de sujets intéressants sans les approfondir, quand la fin, pourtant joliment mise en scène, reste vue et revue (renoncement anti-prométhéen de qui a eu la sagesse de comprendre qu'il y a des inconvénients même à l'intelligence humaine), on tartine la pente du film d'un verglas ma foi glissant. Et là où il y a du verglas, le casse-gueule n'est jamais très loin...


Mais allez-y, regardez-le quand même. Si ça m'a donné envie de me réintéresser à mes lois de composition interne et à mes bouquins d'algèbre linéaire, alors c'est que ça doit certainement valoir le coup.


PS : Senscritique est très (trop) loin d'être parfait et c'est sans doute une grande irresponsabilité de leur part que de ne pas être capables d'enregistrer un brouillon des critiques écrites en cas de crash - ce qui vient de m'arriver avec cette critique, que j'ai dû réécrire du début à la fin. Horrible moment.

Shruikan
8
Écrit par

Créée

le 13 juin 2011

Critique lue 552 fois

Shruikan

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