Un dieu mineur
6.9
Un dieu mineur

BD (divers) de Sergio Toppi (2011)

Les éditions Mosquito continuent leur minutieux travail de redécouverte de l'auteur italien Sergio Toppi ; alternant la publication de recueils d'histoires courtes à l'origine publiées dans des périodiques italiens dans les années 70-80 et de monographies thématiques.

Après le Japon médiéval de "Tanka", le folklore germanique de 'Krull", les fanges de la Grande Guerre de "Saint-Acheul", la chaleur vibratoire du Mississippi de "Blues" mais aussi les sables ardents de "Sharaz-De", ce dernier recueil en date investit le froid, la glace et la neige.
Un chasseur inuit perd son nom dans le désert glacé, un viking pousse sa soif de vengeance jusqu'au bord du Monde, un tueur de phoques subit une drôle de punition. La meilleure histoire est assurément la troisième : le dieu mineur du titre et de la couverture, isolé dans sa montagne aux neiges éternelles, fulmine de voir un homme, un simple petit homme, défier l'air de rien son pouvoir qui, s'il n'atteint pas celui des grands dieux "ayant des ziggurats", reste tout de même celui d'une divinité !

Sergio Toppi est abonné aux histoires à consonances merveilleuses, contes fantastiques imbibés de légendes anciennes avec une propension toute particulière à placer de simples hommes anonymes face à quelque chose de plus grand, Nature shamanique ou déités capricieuses à l'humour revanchard. Chez Toppi le divin ne se trouve pas dans les nuées mais dans le sol, la roche, le bois, le métal et à la manière de sa mine innerve tout ce qui entoure l'homme. Il y est pris comme dans une toile d'araignée.

Son style graphique est donc bien toujours celui des grandes fresques aux cases éclatées par des statues ébréchées ou des animaux-totems, toujours celui de la mine sèche qui se divise en épis revêches et cassés, parfois même en circuit-imprimés, pour former des facettes minérales où même les peaux et le métal semblent de silex. Si cette "bella maniera" exacerbée se prête à merveille au propos des récits archaïques des temps oubliés, son iconisme permanent où les figures se figent dans un espace de textures abstraites (un peu à la façon des fonds d'or des mosaïques byzantines ou du gothique international) pourra à certains sembler manquer cruellement de tendresse ou de narration ; ou autrement dit de fluidité et d'aisance. Elles se se trouvent cachées mais pourtant bien présentes sous d'épaisses couches de matières.
Les racines de ce globe-trotter sont profondément enfouies dans les roches sédimentaires de nos folklores et ses branches refusent de s'étirer trop haut dans un éther précaire. En cela il est fort proche de David B avec qui il partage son goût pour la filiation mythique et la fresque hiératique.

Néanmoins, au fil de ces publications, l'auteur semble se répéter quelque peu, utilisant les mêmes astuces et les mêmes gimmicks et ne variant que le parfum de ses histoires. Les réfractaires à son univers ne seront dès lors pas beaucoup plus conquis avec cet album...

Pour lire la première histoire "Aioranguaq" : http://www.editionsmosquito.com/liseuse/dieuMineur/
Nushku
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le 17 févr. 2012

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Nushku

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