« Djinn » est une série à l’atmosphère particulière. Elle mêle intrigue politique et érotisme. Le scénario est l’œuvre du célèbre et efficace Jean Dufaux. Les dessins sont le fruit du travail d’Ana Mirallès. Le douzième tome, « Un honneur retrouvé » clôt le cycle indien des aventures de Jade. J’ai cru comprendre qu’il s’agirait également du dernier épisode de la série. Ce dernier opus, édité chez Dargaud, date de l’année dernière. Sa couverture nous fait découvrir l’héroïne nue. Son corps est maquillé et des bijoux ornent son visage. Elle regarde fixement le lecteur. Pour l’attirer dans ses filets ?
La révolte gronde en Inde. L’occupation anglaise n’est plus acceptée par le peuple. Radjah Sing est le meneur des révolutionnaires. Sa fille est promise au maharadjah. Chacun essaie d’avancer ses pions pour mener à bien leurs projets. Mais l’Histoire est peut-être en train de s’écrire dans le Pavillon des Plaisirs. C’est dans ce harem que Jade éduque la promise au souverain aux arts de son corps. Cela lui permettra de dominer son futur mari et de le rallier à son cause et à celle de son père…
Les deux actes précédents avaient fait naître bon nombre d’intrigues entremêlées. Les enjeux sont multiples. J’étais curieux de savoir comment les auteurs allaient démêler tout cela en une cinquantaine de pages. Je trouvais la dimension politique intéressante. Elle démarquait ce cycle des deux autres. « Le pavillon des plaisirs » avait posé des jalons intéressants. Par la suite, j’avais trouvé « Une jeunesse éternelle » plus décevant. La place occupée par Jade était également originale. Le fait d’assumer que les charmes d’une femme peuvent influencer fortement un homme puissant était pertinent. Cela offrait une corde narrative attrayante.
La dimension érotique de l’intrigue perd tout son intérêt au fur et à mesure du déroulement de la trame. Les scènes l’évoquant n’ont plus aucun autre intérêt que permettre à Ana Mirallès de dessiner ces corps en plein ébat. Leur apport à l’histoire est quasiment inexistant. Il est au plus anecdotique. Alors que cet aspect était présenté comme central au début du cycle, il est repoussé à un statut de folklore local. Je trouve cela dommage parce que cela fait disparaître le ton original de la série.
Les arcanes politiques sont finalement bien moins mystérieux et complexes que je l’espérais. Finalement, le dénouement de l’histoire est bien complexe et alambiqué que souhaité. Il s’avère assez linéaire. Il se découvre sans réelle émotion ni attrait. La curiosité est réduite et n’excède pas la volonté de terminer quelque chose de commencer. La dimension mystique que vit Jade n’a pas d’autre intérêt que de justifier un lien avec le cycle africain de la saga. Rien de plus. Bref, l’ensemble est moyen et plutôt décevant.
Concernant le trait d’Ana Mirallès, je vis une vraie frustration. Tout le monde est unanime pour tresser des louanges à son talent et pour vanter l’érotisme charnel de certaines de ses planches. Personnellement, je suis toujours resté hermétique à son style. Le travail est sérieux mais de mon point de vue, il se contente d’accompagner le propos sans le sublimer. Quant aux scènes de nu, elles ne me font ni chaud ni froid. Par contre, je reconnais que ses dessins sont d’une qualité constante tout au long des douze albums.
Pour conclure, « Une honneur retrouvé » conclut sans tambour ni trompette une saga au long cours. Je trouve cette série honnête mais ne comprend pas l’enthousiasme qu’elle génère depuis sa sortie. Un des arguments majeurs en sa faveur est le fait que malgré le nombre important de tomes, l’intrigue ne s’est jamais diluée. Je peux donc vous conseiller de lire le premier épisode « La favorite » des aventures de Jade. Si vous tombez sous le charme, les onze suivants vous combleront…