Wilfrid Lupano est décidément un scénariste surprenant. Réputé pour ses dialogues savoureux (notamment ceux des « Vieux Fourneaux« ), il prouve qu’il n’a même pas besoin de texte pour mettre en scène une histoire d’amour aussi originale que touchante. A la manière des plus beaux films muets, « Un océan d’amour » est une BD muette: dépourvue de la moindre bulle ou onomatopée, elle parvient à faire passer toutes les émotions par les regards, les gestes, les attitudes. Il ne manque que la musique pour accompagner ces 220 pages de pur bonheur! Une formidable réussite, liée bien sûr au talent de conteur de Lupano, dont l’inspiration semble sans limites. Cela dit, il ne faudrait surtout pas oublier de souligner aussi le travail du dessinateur, Grégory Panaccione, dont le style à la fois naïf et expressif se marie à merveille avec le récit marin imaginé par Lupano. « Un océan d’amour », c’est l’histoire toute simple d’un petit couple breton, dont le train-train quotidien va être méchamment perturbé. A priori, tout les oppose: lui est un frêle marin pêcheur qui déteste les sardines, elle est une Bretonne rondouillarde qui adore préparer des crêpes. Mais cela ne les empêche pas d’être liés par une grande complicité et un amour indéfectible. C’est donc la catastrophe lorsqu’un jour, le petit bateau de pêche du monsieur ne revient pas au port. Sourde aux complaintes des Bigoudènes, qui tentent de la réconforter, son épouse décide de partir à sa recherche contre vents et marées, convaincue que son homme est toujours en vie. C’est le début d’un périlleux chassé-croisé, sur un océan dans tous ses états. On suit alternativement les péripéties du petit pêcheur, confronté à un bateau de pêche géant, des mouettes affamées et des trafiquants sanguinaires, et celles de son épouse, dont les aventures rocambolesques mêlent peur de l’avion, cours de cuisine, dentelle bretonne et une rencontre avec Fidel Castro. Autant dire que ça ne manque ni d’action ni de rebondissements, même si on sait dès le début que notre petit couple de Bretons attachants va finir par se retrouver pour déguster ensemble quelques bonnes galettes! Cinématographique, expressif, humaniste… on ne sait plus très bien quels adjectifs utiliser pour décrire ce roman graphique hors du temps, qui prouve que l’on n’a pas toujours besoin de mots pour dire les choses. Pour ne rien gâcher, « Un océan d’amour » est un superbe objet, avec sa couverture en forme de boîte de sardines à l’huile et son quatrième de couverture sur lequel figurent les ingrédients utilisés par Lupano et Panaccione: « océan (eau, sel, détritus), amour (eau de rose, baisers, mariage), sardines, mouettes, crêpes, homard, Bigoudènes endeuillées, sauce (aventure, suspense, second degré, drame sentimental, rebondissements absurdes, gags désopilants), Che Guevara (0,5%), arôme artificiel de Vierge Marie ».
matvano
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le 28 déc. 2014

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matvano

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