Un rêve de renard
7.4
Un rêve de renard

BD (divers) de Minna Sundberg (2011)

Aussi belle que le laisse présager sa magnifique couverture, cette énorme BD finnoise de près de 600 pages est un vrai trésor. Non seulement est-ce un tour de force au plan visuel, mais c'est aussi une histoire remarquable, très différente de ce que je vois d'habitude. Une BD qui allie folklore finlandais, magie, rêve et amitié.


Donc, l'histoire est celle d'un esprit renard immature et insouciant, qui est envoyé pour surveiller les lumières ( les aurores boréales) durant le traditionnel meeting des esprits renards. Il commet un impaire en envoyant une part de cette lumière sur un village d'humains, coinçant alors la population quelque part entre l'aurore boréale. Pour les sauver de la mort, ils les séparent dans différentes strates de ses propres rêves, mais il lui faut quelqu'un pour faire l’intermédiaire entre le rêve et la réalité. Un quelqu'un comme Hannu Viitanen, 24 ans, un jeune homme pas franchement commode, plutôt asociale et bourru, et son chien, Ville, un très sympathique et affectueux spitz finlandais ( qui ressemble d’ailleurs à un renard, surtout avec sa couleur rousse et ses oreilles pointues). Hannu doit ainsi visiter plusieurs rêves pour remettre un pendentif au "Chef" de chaque groupes, mais ceux-ci ont tous une tâche à accomplir avant de rentrer. À chaque destination, Ville change de forme : écureuil, vipère, élan, ours, etc. Le chef de chaque groupe est identifiable grâce à un alter ego animal pour chaque rêve. Alors qu'Hannu s'épuise à retrouver les groupes, et ce avec une volonté pas toujours infaillible, le Renard tente de masquer sa bévue aux membre de son clan, quitte à mettre les humains, qu'il a lui-même mit en péril, en danger de mort. Heureusement, les esprits animaliers témoins de ses manigances tentent de prêter mains forte aux humains et faire condamner le renard irresponsable.


C'est véritablement superbe comme œuvre et qui malgré sa longueur hors du commun, aura été lue d'une traite. Chaque chapitre correspond à un nouveau monde, qui sont tous en pleine nature excepté le dernier, plus '"astral". On nage entre la mythologie finnoise et sa Nature nordique ( qui n'est pas sans me rappeler celle de mon pays, le Québec, qui assez similaire). Forêts de conifères, hivers de neige abondantes, lacs bordés de forêt, les décors sont tous très jolis et le jeux de couleurs bien maitrisé. Elles ont souvent une charge émotive prenante et changent selon les rêves. Les personnages sont beaux, le coup de crayon lui aussi maitrisé, les animaux très réussis ( surtout les formes hybrides de Ville, qui a toujours des composantes de chien roux dans sa morphologie). Et j'aime bien les tenus des personnages également.


D'ailleurs, on sort des stéréotypes avec les personnages, ça s'était très apprécié. Ils sont d'âge variés, de formes et de tempéraments différents. Il y a même plusieurs personnages assez canailles. Hannu, personnage humain principal, n'est pas spécialement "gentil", il est même parfois assez mesquin et cinglant. Il sourit peu, n'aime pas la présence des autres autre que son chien, et a une morale très questionnable parfois. Un héro vraiment atypique, auquel on s'attache malgré tout. Il offre un contraste souvent saisissant avec Ville, très jovial, optimiste, prévenant, sensible et fidèle. Un chien extrêmement attachant. On constate que sa psychologie canine est justement différente de celle de son maître humain. Ils ont souvent un point de vue, une logique ou même une moralité divergente. Ville est plus souvent motivé par ses instincts, et pourtant, il semble avoir une plus grande sagesse que Hannu, bien souvent. Il a même l'air plus "humain", ironiquement. Et c'est un duo qui a une complicité attendrissante, qui se complète remarquablement bien et qui apprennent l'un de l'autre. C'est vraiment la plus belle histoire d'amitié entre un humain et un chien que j'ai pu lire jusqu'ici. Je trouve la rigueur psychologique de tous les personnages assez élevé et travaillée, c'est une grand force pour une œuvre. Cette histoire est aussi la preuve qu'on a pas besoin de romance pour arriver à une histoire addictive et captivante.


Et seriez-vous étonnés si je vous dit qu'il y a aussi fréquemment de l'humour, parfois ironique, parfois caustique. Une chose est sure: j'ai souvent rit.


On nous parlera de plusieurs concepts mythologiques finnois, qui seront d'ailleurs expliqués à la fin de la BD. Une bonne idée, car cela retire la lourdeur de tout expliquer dans l'histoire. On vous montrera également des pages préparatoires, des esquisses et autre matériel pré-conception de l'autrice.


J'ai adoré la fin. Même si je trouve qu'Hannu est demeuré plutôt fidèle à lui-même même s'il a tout-de-même évolué, je trouve que Ville a mérité ce qu'il lui arrive. C'est le personnage que j'ai préféré.


C'est donc un récit étonnamment addictif, mélange d’onirisme et de quête dans un paysage nordique et magique assez peu exploité d'ordinaire dans le monde littéraire ( quoique sans doute plus en Finlande, en toute logique). Je remercie donc l'autrice pour son fabuleux travail, sa grande maitrise technique, ses personnages originaux et son sens du récit.Elle m'aura donné envie d'en découvrir plus sur cette région du monde que je connais peu et dont le folklore demeure bien mystérieux.


À lire au moins une fois dans sa vie.

Créée

le 15 févr. 2021

Critique lue 205 fois

Shaynning

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