Critique de Stéphane de AAAPOUM pour les Inrockuptibles
Undercurrent est moins un drame qu'une bouleversante métaphore sur la survie. En anglais, le terme désigne tout autant le courant sous-marin qui peut être fatal que ce qui se cache sous la surface des choses, d'un drame comme d'une discussion. Ainsi, lorsque le récit commence, la mort semble passée : une femme rouvre son établissement de bain, seule. Elle l'a fermé il y a trois mois, à la disparition de son mari. Les premières clientes affluent, curieuses, et commèrent à demi-trempées sur les raisons qui ont poussé le brave homme à s'enfuir. En quelques pages, le contexte est planté, et il ne faut guère attendre plus de temps pour comprendre que la réouverture des bains n'était pas le signe espéré d'un retour à la vie. Tout au plus est-il la manifestation d'un désir de se battre, aucunement l'assurance d'une victoire contre la mélancolie. En témoigne, ça-et-là, le regard de Kanae égaré dans le vague, elle qui voudrait tant rester à la surface mais que le fond attire, inextricablement. Undercurrent est donc une ode aux petites luttes quotidiennes, portée par une mise-en scène exaltant le sentiment du mono no aware nippon. Les français, on le sait, y sont sensibles depuis leur découverte de Jiro Taniguchi et de ses introspections silencieuses, baignées dans la contemplation. S'ajoute ici, à ces regards suspendus, l'idoine décors d'un bains public, sur le carrelage duquel rien n'accroche, et encore moins cette eau versatile, reflétant tantôt les sursauts de vie, tantôt l'abandon du désespoir.
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