En 2006, Mana Neyestani travaille pour un journal jeunesse iranien. Quelques années plus tôt, ce dessinateur de presse illustrait les journaux politiques réformistes ou d’opposition, si bien que son nom commençait à circuler en haut lieu, comme de nombreux collègues. En se tournant vers les jeunes, il pense alors s’éviter de gros ennuis avec le gouvernement totalitaire. Pourtant… Un dessin et sa vie bascule. « Namana ». Ce seul mot, mis dans la bouche d’un cafard, déclenche une tempête. Car il est azéri, comme la minorité opprimée du pays. Scandalisés par cette représentation innocente mais jugée insultante, des manifestants envahissent les rues. Les excuses n’y font rien. Sans rien y comprendre, Mana est emmené dans un centre de détention non officiel. Soupçonné d’être payé par les Azéris, il doit dénoncer ses amis. Au bout de deux mois de privations, il obtient une sortie temporaire. Avec sa femme, il décide alors de fuir le pays…
Rien de tel qu’une biographie crue et déchirante pour relativiser ses propres ennuis. Avec son trait d’illustrateur épuré mais expressif, Mana Neyestani retrace toute la terrible aventure qu’il vit depuis l’épisode du cafard. Osant un parallèle bien senti et plutôt juste avec La Métamorphose de Kafka, il dénonce autant le régime iranien que l’opposition turque, les deux faisant preuve d’une foi aveugle et sourde. Mais ce ne sont pas les seuls à être égratignés puisque, malgré le réel danger planant sur lui, peu ont fait preuve de courage pour recevoir sa femme et lui, France et Canada en tête. Ce parcours du combattant, que beaucoup d’autres réfugiés politiques vivent, est peut-être même le passage le plus dur du livre. Entre faux espoirs, trahisons, passeurs douteux, peur des autorités et du retour en Iran, on peine à imaginer la calvaire du jeune couple.
Une biographie puissante et terrible sur laquelle l’auteur porte un regard lucide et très profond. Plus qu’une BD, plus qu’un roman graphique, c’est une page d’histoire et de société plus marquante que tous les débats ou les cours d’Histoire.
Gatcha
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le 29 août 2012

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le 29 août 2012

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Gatcha

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