La première fois que j’ai lu Usagi Yojimbo, au milieu des années 2000, j’ai cru qu’il s’agissait d’un manga : noir et blanc, petit format, et le sujet était un samouraï errant, ou rônin, qui se trouve en sus être un lapin, dans un monde d’animaux anthropomorphiques, ce qui n’était pas spécialement surprenant pour un produit venant du Japon au vu du genre de dessins animés avec lesquels j’avais grandi.


Sauf que … Usagi Yojimbo n’est pas un manga, mais un comics, et ne vient pas du Japon, mais des USA. La différence est subtile, certes, surtout en l’occurrence puisque son auteur est américain, mais d’origine japonaise et né au Japon. Voilà qui contribue à remonter mon opinion sur les comics, même si ça reste un produit exceptionnel et non la norme.


La première fois que je l’avais lu, j’avais aimé, mais il m’a fallu le relire récemment pour m’apercevoir du génie de cet œuvre et de son auteur. Graphiquement, c’est sympa mais pas exceptionnel, on est dans un comics en noir et blanc et l’ambiance se prête plus à un dessin simple mais réaliste (curieusement pour un univers ou les animaux remplacent les humains) plutôt que pour des paysages ou de l’action à couper le souffle. Mais ce dessin simple et efficace colle avec l’ambiance que l’auteur parvient à instiller dans ses histoires, et c’est là que se trouve la plus grande qualité de cette longue série : des histoires courtes, variées, instructives et soigneusement construites.


Dans ces histoires nous suivons Usagi (le lapin) Yojimbo (garde du corps), de son nom complet Miyamoto Usagi en référence à Miyamoto Musashi, samouraï qui a vu mourir son seigneur lors d’une bataille contre un voisin ambitieux, par la faute de la trahison d’un de ses vassaux. Usagi a réussi à préserver la tête de son seigneur, qu’il a pu enterrer en un lieu caché après la bataille, mais s’est donc retrouvé rônin, et reste fidèle à son ancien maître, cherchant (pas très activement) à le venger, et gagnant de quoi subsister comme garde du corps, en attendant de pouvoir accomplir sa revanche.


C’est là le plus gros point faible de la série : la vengeance traîne beaucoup en longueur. D’un côté Usagi refuse absolument de se ranger, d’accepter de servir un autre maître, au prétexte qu’il peut encore servir l’ancien en luttant contre son ennemi Hikiji, de l’autre il ne fait pas grand chose pour cette lutte. Certes il n’hésite pas à combattre les troupes du seigneur Hikiji, ou s’opposer à ses manigances, quand il tombe dessus, mais il ne cherche pas activement à tomber dessus. C’est plus le hasard qui le mène dans ses errances à s’opposer encore et encore aux ninjas d’Hikiji ou aux manigances de son homme de main (ou plutôt serpent de main) le seigneur Hebi.


Au fur et à mesure des récits courts qui composent cette série, Usagi croise de nombreux personnages, souvent inspirés par l’histoire du Japon féodal, le cinéma japonais, et parfois la culture moderne. Ces personnages peuvent être voleurs, ninjas, samouraïs, chasseurs de primes … ils sont toujours très humains, malgré leur apparence, et bien qu’Usagi ait un caractère très droit, noble et bon, les histoires sont rarement manichéennes et les personnages souvent attachants même quand ils s’opposent au héros.


La culture traditionnelle japonaise est beaucoup mise en avant dans ces récits, une culture féodale et très agricole. On voit beaucoup de paysages de montagnes, de forêts, de villages qui ne sont guère plus que des habitations de torchis, boueux, et il pleut bien souvent, à verse. C’est un Japon assez réaliste, habité pourtant par de nombreux monstres issus des contes traditionnels, ce qui assure beaucoup de dépaysement à un lecteur occidental.


Même si les histoires ont des prémisses qui en viennent à se répéter souvent, le grand talent de l’auteur est d’en tirer des récits variés, et surtout originaux, où on prend plaisir à découvrir un peu plus du Japon de l’ère Edo.


La série existe depuis 1984 et à déjà connu de très nombreux épisodes, et pourtant il n’y absolument pas de quoi se lasser, et elle se renouvelle en permanence.

Mattchaos
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le 4 mai 2021

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