Cela fait un bon moment que je voulais lire ce livre de 1886, en lequel je plaçais beaucoup d’espoirs. Robur-le-conquérant est à la navigation aérienne ce que le capitaine Nemo est à la navigation sous marine, et bien qu’il soit moins célèbre que son confrère, il reste un personnage marquant parmi les nombreux romans de Jules Verne.
Il y a beaucoup de ressemblances superficielles entre ce récit et celui qui met en scène le capitaine Nemo, Vingt mille lieues sous les mers. Dans les deux cas le récit commence par de mystérieux évènements qui se produisent ici et là, provoquant la curiosité du public, et du lecteur. Dans les deux cas nous avons ensuite deux hommes qui se retrouvent sur le navire fantastique, fruit d’une science avancée, d’un capitaine mystérieux et plus ou moins antipathique. Ce navire les emmène dans un voyage extraordinaire lors duquel ils font le tour du monde et le découvrent sous un jour que peu connaissent en dehors de ces deux capitaines et de leurs équipages.
Et dans les deux cas ce qui constitue la plus grande part du récit ce sont les péripéties de ce voyage, car contrairement à un autre tour du monde, celui en quatre-vingt jours, il n’y a pas d’intrigue centrale qui vient motiver ce voyage. En tout cas pas d’autre intrigue que le désir d’un capitaine qui reste toujours muet sur ses raisons d’aller ici ou là.
Ce qui fonctionne très bien dans Vingt mille lieues sous les mers ne fonctionne pas autant ici, loin de là. Nemo a une apparence froide et antipathique, certes, et l’on peut le voir se livrer à des actes de violences, mais il se retrouve à accueillir deux passagers parce qu’il leur sauve la vie, et si il doit, pour sa propre sécurité, les garder prisonniers, c’est visiblement à contrecœur.
Robur, lui, enlève deux hommes à qui il n’a pas grand chose à reprocher, et refuse encore et encore de leur rendre la liberté, sans que ce ne soit bien clair pourquoi puisqu’il n’hésite pas à exposer son vaisseau volant à la vue du public. On découvre certainement qu’il est capable de faire le bien dans de bonnes circonstances, en sauvant des prisonniers qui allaient se faire massacrer ou des naufragés sur le point de mourir de soif et de faim, mais la haine que ressentent ses deux prisonniers à son égard est tout à fait compréhensible. Il apparaît pendant quasiment tout le récit comme un antagoniste, mais uniquement pour ces deux hommes. Cela semble donc particulièrement mesquin et capricieux. D’un côté on a donc de la sympathie pour les deux prisonniers et on leur souhaite de réussir leur évasion, mais de l’autre on regrette leurs plans et leur objectif qui est la destruction de la merveille volante.
L’autre chose qui fonctionne nettement moins bien, c’est la découverte du monde. Nemo fait découvrir à ses passagers un monde sous-marin magnifique et surtout totalement inconnu. Robur fait du tourisme. La perspective est nouvelle, et pouvoir voir autant de pays, de villes, de paysages, en aussi peu de temps présente certainement un aspect fantastique qui peut faire rêver le lecteur, mais ça n’en reste pas moins des paysages connus, et l’intérêt décroît encore bien plus pour le lecteur d’aujourd’hui pour qui ce point de vue aérien est presque banal.
Alors oui, son navire, l’Albatros, qui préfigure les porte-avions volants du SHIELD que l’on peut voir dans Avengers est ce genre d’engin qui est toujours cool. Le fait qu’il vole en permanence, que son équipage vive à bord, ce qui encore une fois rappelle le Nautilus de Nemo, fait encore rêver aujourd’hui. Cette partie à possède encore au XXIe siècle un pouvoir de séduction sur le lecteur, et j’aurais aimé la voir plus développée. Le navire volant est d’ailleurs plus cool en couverture que dans le récit où on a souvent l’impression qu’il s’agit plus d’une plate-forme volante, où l’on est au choix soit enfermé dans un petite cabine avec un hublot qui a simplement vue sur le ciel, soit sur le pont, avec une belle vue sur le monde environnant, mais à la merci des éléments. Il manque quelque chose à ce navire pour en faire un objet de fantasmes.
La conclusion du livre montre un Robur plus sage, qui renonce à se venger à son tour des torts subis, mais elle sort un peu de nul part, tout comme sa décision de ne pas révéler les secrets de sa machine parce que le monde ne serait « pas prêt ». Là aussi c’est dommage et un peu brouillon. Jules Verne fait mieux d’habitude.
Il reste un beau côté évasion et aventure, et les dernières pages parviennent enfin à mettre un peu de tension, à proposer une intrigue qui manque au reste du livre. En se copiant lui même Jules Verne nous offre un livre correct, avec de bonnes idées, mais pas à la hauteur de ses prédécesseurs, tant pis.
Critique tirée de mon blog.