- Le tumulte et les émeutes, V... C'est ça l'anarchie ? C'est ça le pays de fais-ce-qui-te-plaît ?
- Non. Tout cela n'est que le pays de prends-ce-que-tu-veux. Anarchie veut dire "sans maîtres", pas "sans ordre". Avec l'anarchie vient une ère d'ordung, d'ordre vrai, qui ne peut être que volontaire. Cette ère d'ordung commencera lorsque le cycle de verwirrung que révèle l'écoute de ces bulletins aura atteint son terme. Ceci n'est pas l'anarchie, Evey. C'est le chaos.
Quand j'ai feuilleté le comic en librairie en 2012, j'ai été d'emblée rebuté par toutes ces cases aux couleurs délavés, par cette toile de fond politique que je craignais trop écrasante (voire prise de tête) et surtout par l'épaisseur du truc... Mais comme c'est culte et qu'il faut l'avoir lu au moins une fois dans sa vie, je me suis donc laissé tenté par l'édition d'Urban (la première que l'éditeur a sorti) afin de ne pas mourir bête. Et grand bien m'en a pris, quelle claque !
V for Vendetta se lit très vite, en quelques pages seulement on est happé par ce héros mystérieux et anarchiste aux traits figés, par cette pauvre fille paumée qu'il va prendre sous son aile et pousser dans ses derniers retranchements, par ces visages pleins d'effroi superbement dessinés par David Lloyd, par ces personnages solitaires en proie à l'incertitude contemplant le néant, sans oublier les exécutions et les explosions dont le récit n'est pas avare.
Le rythme est savamment dosé et tient en haleine du début à la fin, le montage parfois sec (alternement rapide de vignette d'un lieu de l'action à un autre) permet de créer un suspense monstre qui m'a rappelé ce que j'avais ressenti durant le long final de The Dark Knight (on fait pas mieux comme référence). Bref, les nombreux actes du tome défilent à vitesse grand... V !
Le discours politique m'a franchement plu, le héros a complétement raison sur tout et on est tout le temps fébrile dans l'attente de ses prochaines actions (terroristes). Les membres du gouvernement fasciste, ainsi que les policiers, mis en scènes tout au long de l'histoire sont tous pourris à souhait, mais la force d'Alan Moore et qu'il arrive à nous les faire plaindre. La réussite par l'autodestruction, une expression qui prend tout son sens dans ces pages.
À travers cette plongée sans concession dans l'horreur d'une société dystopique sans issus, avec son lot d'images tantôt effrayantes tantôt coup de poing, V for Vendetta fait autant réfléchir qu'il divertit, avant de faire renaître l'espoir là où on ne l'attend pas. Loin de la racoleuse adaptation cinématographique scénarisée par les Wachowski, la version originale de papier se pose là ! En un mot : brillant (même le collectif Anonymous vous le dira).
- Tu dis que tu m'aimes, mais c'est faux parce que tu m'as effrayée et torturée juste pour rire... Tu dis que tu veux me libérer et tu me jettes en prison...
- Tu étais déjà en prison. Tu as passé ta vie en prison !
- Tais-toi ! Je ne veux pas entendre ça ! Je n'étais pas en prison. J'étais heureuse ! J'étais heureuse jusqu'à ce que tu me jettes dehors...
- Le bonheur est une prison, Evey. Le bonheur est la prison la plus insidieuse qui soit.