Après avoir plus ou moins décidé d’arrêter la bande-dessinée, il aura fallu que le Japon s’y mettre pour que Nicolas De Crécy veuille bien continuer à nous faire profiter de son talent. L’auteur, adepte d’univers originaux, nous propose cette fois un récit autobiographique. Surprenant ! Avec « Visa transit », il revient sur ses vingt ans et un voyage en voiture jusqu’en Anatolie. Ce livre est un premier tome de plus de de 120 Pages publiés chez Gallimard.
Le titre de l’ouvrage reprend le principe des visas de transit, ces visas accordés pour traverser un état en 24h. Nous sommes alors en 1986 et De Crécy et son cousin sont bien décidés à traverser certains pays soviétiques pour aller là où leur voiture arrivera à aller. Ils ont pour cela retapé une voiture, une Visa…
Curieux road trip que voilà. D’abord, l’époque nous renvoie à une époque si différente que l’on (re)découvre ce qu’étaient les baroudeurs du vingtième siècle. Une bagnole et on part sans carte, sans rien prévoir. On fonce sur la route vers une destination… qui sera ce qu’elle sera. Les deux personnages dorment dans leur voiture, ont apporté une véritable bibliothèque avec eux (qu’ils ne lisent pas) et ne peuvent pas s’arrêter dans les pays traversés. Pas de tourisme, pas de culture, pas de rencontre avec l’habitant (ou si peu). Il faut tracer… Mais pour aller où ?
De Crécy, de par son talent, parvient à sublimer les faits. Car si ce qui se passe n’est pas toujours fascinant, le sens de la narration de l’auteur en donne une force supplémentaire. Il parvient à recréer du suspense, utilise les flashbacks, pose des sous-entendus sur ce qui arrivera par la suite… Ce road trip, raconté de façon linéaire, aurait perdu beaucoup de force.
L’auteur choisit une narration très littéraire. La voix off est omniprésente. Elle raconte, analyse, pose les jalons pour la suite… C’est littéraire, dans le bon sens du terme. Les dialogues sont finalement assez rares. De Crécy apporte toute son analyse d’aujourd’hui pour donner du sens au récit. Il n’hésite pas à comparer son voyage aux voyages du 21ème siècle, si différent. Il n’y met pas de jugement, ce qui lui évite de jouer au vieux con.
Le dessin de De Crécy, reconnaissable entre mille, est très beau. Dynamique, puissant et magnifié par sa mise en couleur directe. Les couleurs chaudes qu’il utilise mettent en valeur le sud de l’Europe qu’ils traversent. C’est lumineux, puissant. Comme le récit est autobiographique, le dessin se fait aussi plus précis dans le trait. Du très beau travail.
« Visa transit » ravira les fans de road trip. Même s’il n’y a pas le côté « rencontre » qu’on affectionne dans ce genre de récit, la construction et la narration intelligente de De Crécy, ainsi que l’époque traitée (qui donne un côté furieusement exotique à l’ensemble), valent le coup d’œil. L’auteur pose suffisamment de jalons pour que l’on veuille lire la suite. Car si les deux cousins roulent jusqu’à ce que leur voiture tombe en panne… Comment reviendront-ils ?