Voici un petit bijou de BD, dont la discrétion est le principal défaut, puisque beaucoup risquent de passer à côté. La narration "en voix off" et la tonalité de roman noir à l'américaine, ainsi que la belle profondeur d'un dessin superbement figé, peuvent faire songer au travail d'un Loustal, sauf que l'intelligence d'une histoire qui ne respecte les codes du genre (disons l'enquête policière) que pour mieux les désamorcer - dans un final aussi doux que dévastateur - emmène "Watertown" ailleurs et sans doute un peu plus haut. On a commencé à lire ce livre comme une nième tentative post-moderniste de revitaliser une forme classique, et on se retrouve, bluffés, devant le récit quasiment tragique d'une illusion assez minable, des fantasmes sordides d'un petit homme auquel on s'est imprudemment identifié. "Watertown" est donc un livre trompeur, mais très fort puisqu'il ne manipule pas son lecteur, il se contente simplement de stimuler son goût immodéré pour les femmes fatales, les crimes parfaits et les vengeances sordides, avant de lui susurrer que la vie, la vraie, est bien plus simplement tragique que cela. Magistral !
PS : l'ami Götting a fait bien des progrès depuis l'époque des couvertures des "Harry Potter" de notre enfance et s'avère désormais un artiste à suivre... [Critique écrite en 2016]