Yellowknife, Nord-Ouest du Canada, 2124. Les Etats-Unis ont détruit et envahi la majeure partie du pays, convoitant ses ressources en eau, les dernières de la planète. Seule survivante de sa famille, Ambre rejoint un groupe de résistants, canadiens comme elle, qui tente de préserver sa terre des mains de l'envahisseur. Mais comment résister face à une nation technologiquement bien plus évoluée ?


J'avoue que j'ai un peu le cul entre deux chaises. D'un côté, j'ai vraiment aimé la lecture de ce comics et j'aimerais en dire le plus de bien possible, et d'un autre côté, il a des faiblesses évidentes, qu'on ne peut pas ne pas souligner.


Commençons donc par les faiblesses : le pitch de Brian K. Vaughan est très bon sur le papier, mais à la lecture, il se révèle bien trop classique pour créer la moindre surprise. Le problème majeur de We stand on guard, c'est qu'il est trop court. L'exposition est excellente, et annonce le début d'une potentielle grande saga, qui sait prendre son temps pour présenter ses personnages et instaurer des enjeux puissants. Alors pourquoi tout faire tenir en un one shot de 140 planches ? Avec de tels enjeux, cela aurait mérité d'être largement plus développé...
Cela contraint Vaughan à effectuer des raccourcis scénaristiques très dommageables à l'intrigue, et l'empêche d'imaginer des rebondissements vraiment surprenants. Un petit gâchis à ce niveau-là, vraiment décevant. Vaughan sacrifie dès lors l'aspect géopolitique de son histoire, brossé de manière bien trop schématique. De l'autre côté, les personnages sont intéressants, mais répondent finalement à tous les clichés du genre, d'un politiquement correct trop visible pour être vraiment subtil : descendante d'immigrés, homosexuel bien viril comme il faut pour faire mentir les clichés, jeune canadienne prête à tout pour défendre son pays... Il y avait quelque chose à faire de ces personnages, mais pas en 140 pages aussi remplies.


Voilà pour les principales faiblesses du récit. Et pourtant, on ne peut pas dire que la lecture de ce comics ne soit pas agréable. Le pitch est donc sacrifié sur l'autel de l'efficacité narrative, mais il reste très intéressant. Cette idée de guerre entre les Etats-Unis et le Canada autour de l'or bleu donne lieu à une histoire très prenante, qui m'aura au moins appris que les USA avaient prévu un plan d'invasion de leur voisin du Nord dès... 1930, à l'époque où ils craignaient que le Canada ne s'allie à la Grande-Bretagne, dans une potentielle guerre contre eux. Je ne connaissais pas ces relations tendues entre les deux nations au XXe siècle, ça m'a donné envie d'en savoir plus sur cette étonnante page d'histoire.
Le scénario avance donc de manière classique, mais on ne s'ennuie jamais pour autant, grâce au talent de narrateur de Brian K. Vaughan et à celui de dessinateur de Steve Skroce. Vaughan a tout de même l'intelligence de ne pas sombrer dans le manichéisme : s'il épouse sans trop de recul la lutte de la résistance canadienne, il instaure toutefois une très belle ambiguïté, notamment dans le dernier chapitre, absolument captivant, où toutes les cartes sont rebattues et où on ne sait plus tout-à-fait qui, des Américains ou des Canadiens, est le plus responsable de ce conflit violent. Intéressant, mais malheureusement pas assez développé, toujours à cause de ce malheureux choix du format one shot.
Il faut également souligner un bon usage de la violence, Vaughan ne reculant jamais devant une brutalité très crue, ayant parfois recours au gore (mais de manière suffisamment dosée), pas plus qu'il n'hésite à infliger à ses personnages même principaux des dommages importants. Là-dessus, rien à redire, l'auteur sait être impitoyable quand il le faut, augmentant par là même l'empathie du lecteur et le réalisme du récit.


Enfin, graphiquement, We stand on guard est une belle réussite. Les machines dessinées par Steve Skroce ne sont certes guère originales. Elles sont très bien dessinées, mais on les dirait trop sorties d'un classique de la science-fiction des années 50 (le Guerilla évoquant bien trop les TB-TT de Star Wars). En revanche, le dessin reste envers et contre tout somptueux.
D'un grand réalisme, mais pas trop extrême, le trait de Skroce donne pleinement vie aux personnages de Vaughan et nous offre des planches graphiquement très impressionnantes. On est vraiment immergé en plein coeur de l'action. L'agencement des cases est souvent classique, mais n'exclut pas une réelle ampleur quand le dessin exploite l'entièreté de la page, notamment dans des scènes d'action musclées.


Ainsi, We stand on guard n'est pas la bande dessinée la plus originale que j'ai lue, et souffre d'évidentes faiblesses due au format trop court choisi par ses auteurs. Pourtant, le comics de Vaughan reste une proposition très intéressante, captivante à lire et visuellement tout ce qu'il y a de plus convaincante. Une belle découverte à faire malgré tout.

Tonto
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Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Un an dans la vie d'un bédéphile : 2020

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le 30 juil. 2020

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